Dans une salle d’audience pleine à craquer de pancartes avec l’image d’Hernan Abriata, un jeune militant argentin séquestré en 1976 par la police pendant la dictature militaire (1976-1983), la cour d’appel de Versailles a remis au 19 octobre sa décision sur le sort de Mario Sandoval. Cela fait cinq ans que l’Argentine réclame l’extradition de cet ex-policier argentin, installé à Paris depuis 1985 et naturalisé français en 1997, soupçonné d’avoir participé à une centaine de crimes sous les ordres du régime du général Jorge Videla – dont l’enlèvement d’Hernan Abriata. Il est poursuivi à Buenos Aires pour des « crimes contre l’humanité, privation de liberté et torture ayant entraîné la mort ».

Lors de l’audience, jeudi 14 septembre, M. Sandoval a nié une énième fois les accusations qui fondent la requête d’extradition demandée en mars 2012 par le juge Sergio Torres, chargé de l’affaire dite « de l’Ecole de mécanique de la marine », un centre de rétention et torture de la junte militaire d’où quelque 5 000 opposants ont disparu.

Comme il l’avait fait devant la cour d’appel de Paris en 2014 et devant la Cour de cassation en 2015, l’avocat de la défense, Me Bertrand Lampidès, a insisté notamment sur la thèse de l’homonymie : son client ne serait pas le bourreau que l’Argentine réclame. Buenos Aires assure pourtant avoir présenté devant la justice française nombre d’éléments qui prouveraient le contraire, incluant son document d’identité, des photos et son ancien dossier personnel au sein de la police, lorsqu’il était officier.

La « disparition forcée » absente du code pénal

L’extradition avait été autorisée par la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris en mai 2014, puis freinée par un arrêt de la Cour de cassation en février 2015 et renvoyée devant la cour d’appel de Versailles pour être réexaminée. Ce qui faisait débat entre les magistrats : la « disparition forcée », considérée comme un crime contre l’humanité imprescriptible par l’Argentine et par la Convention contre les disparitions forcées adoptée par l’ONU en 2006 – dont la France est signataire – ne figure pas dans le code pénal français.

« L’audience [du 14 septembre] s’est très bien passée. La présidente a fait un résumé excellent, ce qui laisse deviner qu’elle est très sensible au dossier », a estimé de son coté Me Sophie Thonon-Wesfreid, l’avocate de l’Etat argentin, se montrant optimiste quant à la possibilité d’un avis favorable de la cour le 19 octobre. Cet avis ne sera probablement pas le définitif, prévient néanmoins l’avocate, puisque M. Sandoval peut encore saisir d’autres instances, telles que le Conseil d’Etat, pour éviter de comparaître devant la justice argentine.

Le 8 septembre, des enseignants-chercheurs de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine – où Mario Sandoval a donné des cours de relations internationales entre 1999 et 2005 –, ont adressé une lettre à la cour d’appel de Versailles pour lui demander d’autoriser son extradition. « Nous déplorons que M. Mario Alfredo Sandoval, ayant joui d’une complète impunité après la chute de la dictature, ait été amené par le passé à enseigner à l’Iheal en tant qu’intervenant extérieur, écrivent-ils. Ceci est contraire à toute l’histoire de l’Iheal, qui a accueilli de nombreux exilés de régimes autoritaires latino-américains et continue d’être un refuge contre toutes les persécutions. »

Le 22 mai, la famille d’Hernan Abriata avait également remis une lettre à l’ambassadeur français à Buenos Aires, demandant à Emmanuel Macron d’intercéder pour que Mario Sandoval réponde aux accusations à son encontre devant la justice argentine.