Le président de la Commission européenne Jean-Claude, au Parlement de Strasbourg le 13 septembre. / Jean Francois Badias / AP

Editorial du « Monde ». Entre le lyrisme européen d’Emmanuel Macron et la prudence comptable d’Angela Merkel sur le sujet, il y a la voie de Jean-Claude Juncker : le réalisme inspiré. Le Luxembourgeois, qui préside la Commission de Bruxelles, a, mercredi 13 septembre, asséné quelques solides vérités sur l’état de l’Union européenne (UE). Elle ne va pas si mal, elle va compter dans le monde de demain, cette Europe trop décriée. Elle est plus nécessaire que jamais, pour peu qu’elle sache retrouver la confiance des peuples du Vieux Continent.

Les 7 et 8 septembre à Athènes, le président français a renoué avec un enthousiasme européen qui faisait chaud au cœur. Depuis François Mitterrand, aucun des prédécesseurs de M. Macron n’avait esquissé l’avenir de l’UE avec autant de dynamisme. L’ambition est de bâtir un ensemble qui protège et crée, dans la continuité d’une culture humaniste, qu’il faut entretenir plus que jamais, parce qu’elle est le socle de la singularité européenne.

On sait l’approche allemande plus ancrée dans le réel des contingences économiques et financières, moins flamboyante mais tout aussi nécessaire : l’UE doit être un pôle de compétitivité dans une économie mondiale qui restera globalisée. Au lendemain des élections allemandes, le 24 septembre, Berlin et Paris doivent proposer une feuille de route des réformes européennes à accomplir.

Prononçant le traditionnel discours annuel sur l’état de l’UE devant le Parlement européen, M. Juncker a esquissé, mercredi, une manière de synthèse dont Allemands et Français pourraient bien s’inspirer. Mais il a commencé par un rappel salutaire. Même avec les disparités existant entre ses membres, l’UE est depuis cinq ans sur le chemin de la reprise. Ces deux dernières années, l’activité y a été plus forte qu’aux Etats-Unis : plus de 2 % pour l’ensemble de l’UE, et mieux encore pour la zone euro, avec 2,2 % – autant pour les éternels contempteurs de la monnaie unique ! Le taux d’emploi dans l’UE est plus élevé que jamais : 235 millions d’Européens ont un travail.

Protéger les Européens

La baisse des déficits publics est continue. Le niveau de l’investissement est porté par le plan de relance de M. Juncker – 225 milliards d’euros –, qui a profité à 445 000 PME et nourri plus de 270 projets d’infrastructure. Quelle différence avec ces dernières années, où tout semblait figer l’UE dans l’anémie économique et l’impuissance politique face aux problèmes de l’heure ! L’Europe est de retour, n’en déplaise aux éternels esprits chagrins, qui, particulièrement en France, se complaisent dans des fantasmes de repli hexagonal ressassés sur le ton d’un long lamento existentiel.

M. Juncker a une approche différente de celle de M. Macron sur la réforme de la zone euro. Il n’en propose pas moins de simplifier les institutions de l’UE, de rendre du pouvoir aux Etats, de faire avancer l’harmonisation fiscale. Il partage l’approche française sur le maintien de normes sociales élevées pour les travailleurs ; il redit sa volonté de doter l’UE d’un instrument de contrôle des investissements directs – notamment chinois – sur son territoire : dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de protéger les Européens.

M. Juncker ne nie aucun des gros problèmes que connaît l’UE, notamment la ligne de fracture qui se creuse entre l’ouest et l’est du continent, sur la question de la démocratie et sur celle de l’immigration. Il a le mérite de dire les choses franchement. Cela donne du poids à l’ambition réaliste qui l’anime.