Thomas Bach (à droite), le président du Comité international olympique (CIO), et le nouveau président de la commission d’éthique du CIO, le Sud-Coréen Ban Ki-moon. / VALENTIN FLAURAUD / AP

Si Thomas Bach n’avait pas été président du Comité international olympique (CIO), il eût tout aussi bien pu faire un bon prestidigitateur. Avec un talent manifeste pour éclipser certains sujets au profit d’autres. Depuis mercredi 13 septembre, les médias relaient la « journée historique » qui a vu les membres du CIO valider, à la suite d’un expéditif vote à main levée, l’attribution des Jeux 2024 à Paris et l’édition de 2028 à Los Angeles.

Le patron de l’institution, qui a vanté le bien-fondé de cette « win-win-win situation », a réalisé un coup de maître. Car l’actualité lui a aussi et surtout permis de moins parler d’une autre journée historique – mais pour de mauvaises raisons. Le 5 septembre à Rio, une vaste opération de police a abouti à l’arrestation du président du comité olympique brésilien, Carlos Nuzman, soupçonné d’avoir touché des pots-de-vin lors du processus d’attribution des Jeux olympiques 2016 à Rio.

« Aucune responsabilité collective »

Mercredi, au centre de conventions de Lima, si l’immense majorité des questions tournaient autour de Paris et de Los Angeles, certains journalistes ont tout de même évoqué le délicat sujet de la corruption. Sollicité par la chaîne allemande ZDF, l’Ukrainien Sergueï Bubka semblait un peu gêné aux entournures. « Le CIO est une grande et fantastique institution, a répondu l’ancien athlète. Si des personnes ont pu avoir des problèmes personnels, cela doit être traité individuellement. » Le sextuple champion du monde n’a pas vraiment saisi la perche pour donner son opinion sur le sujet.

Succincte, sa réponse rejoignait celle de M. Bach, longuement interrogé deux jours avant le vote du 13 septembre à Lima sur les soupçons de corruption pesant sur plusieurs membres du Comité. « Il n’y a aucune responsabilité collective du CIO, car le CIO a adopté des règles très strictes en ce qui concerne l’attribution des Jeux, avait déclaré M. Bach, et ceux qui ont enfreint ces règles seront sanctionnés. »

Une manière de préserver l’institution alors que depuis fin 2015, la justice française s’intéresse à la désignation de Tokyo 2020 et à celle de Rio 2016, qui font désormais l’objet d’une information judiciaire.

Des membres du Comité absents à Lima

A Lima, pour la 131e session du CIO, quatre membres de l’institution impliqués plus ou moins directement dans diverses affaires de corruption étaient absents : le cheikh koweïtien Ahmad Al-Fahad Al-Sabah (Koweït), le Namibien Frankie Fredericks, l’Irlandais Patrick Hickey, et le Sud-Coréen Lee Kun-hee – ce dernier n’assiste plus aux sessions du CIO depuis plusieurs années. Le Comité international olympique, comme à son habitude, n’a pas évoqué leurs cas.

Jeudi, le CIO a officialisé la nomination de l’ancien secrétaire général des Nations unies (2007-2016), le Sud-Coréen Ban Ki-moon, à la tête de sa commission d’éthique, composé de neuf membres. « Je suis honoré de servir le CIO à travers ce rôle », a commenté le nouveau venu, se fixant pour objectif ambitieux de faire « tout [son] possible pour améliorer la responsabilité et la transparence de cette grande organisation afin que nous puissions jouir de la confiance du reste du monde ».

L’ancien homme fort de l’ONU remplacera le Sénégalais Youssoupha Ndiaye, qui s’est fait remarquer par sa discrétion sur les récents scandales qui ont agité le monde de l’olympisme, scandales ayant pour personnages récurrents deux de ses compatriotes, Lamine Diack, ancien président de la Fédération internationale d’athlétisme, et son fils Papa Massata Diack.

Pas de mesures concrètes

Pour la crédibilité des candidatures olympiques, le CIO va devoir s’attaquer, à un moment ou un autre, à l’épineux problème de la corruption. Mais les pistes à l’étude restent floues. Interrogés par Le Monde à Lima, plusieurs membres du CIO sont restés évasifs sur les réformes à envisager. Comme d’autres, le Néerlandais Camiel Eurlings préconise de « renforcer et poursuivre l’agenda 2020 ». Cette série de recommandations adoptées par le CIO doit protéger les athlètes intègres « du dopage, du trucage des compétitions, de la manipulation et de la corruption », tout en se cantonnant à des principes généraux.

Il faudra sûrement des mesures plus concrètes, que personnes n’a pour l’instant évoquées haut et fort à Lima. Le fait d’avoir réglé l’attribution des Jeux d’été 2024 et 2028 offre un temps de répit. « Nous avons du temps pour voir comment changer les processus », expliquait Sergueï Bubka mercredi. Toutefois, l’élection de la ville hôte des Jeux d’hiver de 2026, pour lesquels plusieurs pays se sont déclarés intéressés, aura lieu dans deux ans. Et c’est bien de l’attribution de Jeux d’hiver, ceux de 2002 à Salt Lake City, qu’est né le plus gros scandale de corruption de l’histoire de l’institution. Sans qu’elle prenne, à l’époque, les mesures nécessaires pour remédier au problème.