Documentaire sur Arte à 22 h 50

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans une Allemagne en ruine, les grandes gares font partie des infrastructures à rebâtir d’urgence et, dans une trentaine d’entre elles, les autorités construisent des salles de cinéma bon marché.

L’idée de départ est que, entre deux trains, les passagers puissent tuer le temps dans ces Bali-Kino (pour Bahnhof, « la gare », Licht­spiele, « jeux de lumière »), où les ­projections se déroulent en ­continu. A la fin des années 1940, ces salles aux entrées et sorties­ indépendantes et aux sièges espacés ­présentent des actualités et des ­divertissements. On y promet un tour du monde en cinquante ­minutes pour 50 pfennigs !

Petit à petit, la programmation évolue, l’atmosphère des lieux change. Sur l’écran défilent des séries Z, d’improbables nanars, des films érotiques, des péplums à ­petit budget, de l’horreur en ­carton. Au milieu des années 1960, alors que la télévision envahit les foyers, les Bali-Kino continuent à attirer les spectateurs avec des films scandinaves et une programmation mélangeant films d’action de seconde zone et porno soft. En matinée, les retraités viennent se rincer l’œil. En soirée, les jeunes déboulent en bandes. Et les SDF y trouvent un refuge.

Vision originale de la société

Nouvelle étape dans les années 1970 avec du kung-fu, toujours du sexe et quelques productions américaines à faible côut. La décennie 1980, avec l’arrivée en masse des cassettes VHS, marquera la fin des années Bali-Kino, même si cinq salles existent encore.

Riche en témoignages et en images d’archives municipales (en provenance de Hambourg, Cologne ou Fribourg), ce documentaire plonge dans l’histoire du cinéma populaire ­allemand et donne une ­vision originale de la société. D’anciennes gloires comme René Weller, interprète de Macho Man (1986), se rappellent le bon vieux temps. Gertrud ­Sonnenburg, employée à la caisse d’un Bali-Kino depuis 1959, ­énumère avec un sourire en coin les titres de certains films projetés dans ces salles, de L’Empire des fourmis géantes (1977)à Vendredi sanguinaire (1972).

Les extraits de ces œuvres ­improbables diffusés dans ce ­documentaire valent le détour. Comme certaines bandes-annonces, véritables chefs-d’œuvre de mauvais goût et d’humour noir.

Cinema Perverso, d’Oliver Schwehm (All., 2015, 60 min).