Le seuil des 400 000 réfugiés rohingya, ayant fui depuis trois semaines au Bangladesh les violences en Birmanie, a été franchi, a annoncé samedi 16 septembre l’ONU. « Selon nos estimations, 409 000 réfugiés rohingya sont arrivés au Bangladesh depuis le 25 août », a dit Joseph Tripua, du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) des Nations unies.

La première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina, s’est envolée samedi pour l’Assemblée générale de l’ONU à New York où elle va appeler à la solidarité internationale face à cet afflux de réfugiés. En trois semaines, le sud du Bangladesh, frontalier de la Birmanie, s’est transformé en un des plus grands camps de réfugiés du monde à mesure que les réfugiés rohingya fuient la Birmanie, entraînant une dégradation de la situation humanitaire. Et l’aide peine à se structurer.

A New York, Mme Hasina « va aussi appeler la communauté internationale et l’ONU à faire pression sur la Birmanie pour que soient rapatriés tous les réfugiés rohingya chez eux », a annoncé son service de presse samedi. L’ONU dénonce déjà une « épuration ethnique » menée par la Birmanie, dont l’armée mène une vaste opération de représailles ayant fait fuir en masse ces civils, après des attaques de rebelles rohingya le 25 août.

A Cox Bazar, où se concentrent les réfugiés, les campements de fortune s’étendent désormais à perte de vue. Et ONU comme organisations humanitaires internationales craignent que la situation ne devienne incontrôlable. « Les besoins sont sans fin et les gens souffrent de plus en plus », met en garde la porte-parole de l’Unicef, Marixie Mercado.

Samedi, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a commencé à vacciner les enfants, qui représentent 60 % des réfugiés, contre la rougeole et la rubéole notamment. Tous les jours, des foules impressionnantes se massent pour tenter d’attraper au vol des habits ou de la nourriture, jetée du haut de camions par des bénévoles bangladais agissant en ordre dispersé.

« Il y a plus de gens que de nourriture »

Sunabhan, une veuve de 44 ans avec quatre enfants à sa charge, se réjouit d’avoir réussi à se saisir d’un sac de riz lancé par des volontaires. Certains jours, elle revient les mains vides. « Il y a plus de gens que de nourriture, alors c’est le chaos… Les plus forts courent vers les camions et ils obtiennent la nourriture. C’est plus difficile pour les femmes et les enfants », explique-t-elle, alors que l’aide internationale peine encore à atteindre l’ensemble des réfugiés.

« Nous avons fui mais nous n’avions rien à manger, pas même du riz », explique Jonnath Ara, réfugiée rohingya ayant pu accéder à une cantine montée par Action contre la faim, où un plat à base de riz est servi. Mais l’aide manque. Et chaque fois qu’un camion arrive pour distribuer des bouteilles d’eau, de la nourriture ou des habits, la foule, désespérée, se rue vers le véhicule.

Vivian Tan, porte-parole du HCR qui s’est rendue sur place, explique que le gouvernement bangladais essaie désormais de structurer les points de distribution. Les distributions anarchiques « reflètent la générosité des Bangladais, mais cela suscite des inquiétudes quant à la sécurité des réfugiés », qui risquent de se faire écraser lors des manœuvres des camions, explique-t-elle. Le fait que les réfugiés « sont répartis dans plusieurs endroits, camps, sites de construction sauvages ou villages, rend difficile d’accéder à eux de façon équitable », ajoute-t-elle.

L’ordre donné vendredi par le gouvernement bangladais de faire entrer en scène l’armée pour organiser l’aide commençait à se concrétiser sur le terrain : les militaires doivent acheminer l’aide internationale arrivant à l’aéroport de Cox Bazar et commencer à construire un nouveau camp, avec dans dix jours 14 000 abris censés pouvoir accueillir 400 000 réfugiés.

Jusqu’ici, le Bangladesh n’avait pas permis d’enregistrement systématique des réfugiés, mais, face à l’ampleur de la crise, il assouplit sa position et a commencé une campagne d’enregistrement des réfugiés, photos et empreintes digitales à l’appui. Côté birman, ce sont environ 30 000 bouddhistes et hindous qui ont fui leurs villages face aux violences. L’aide humanitaire s’y organise aussi, gérée par les autorités birmanes.

Les Rohingya, présents en Birmanie depuis des décennies, sont apatrides depuis 1982 et sont considérés comme des étrangers dans ce pays à 90 % bouddhiste.