Jo-Wilfried Tsonga échange avec son capitaine, Yannick Noah, durant son match contre le Serbe Laslo Djere, vendredi 15 septembre, en demi-finale de Coupe Davis. / PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS

Noah-Tsonga, acte III. Après l’amour fusionnel puis le grand froid, la réconciliation. A Lille, cette semaine, à l’occasion de la demi-finale de Coupe Davis, il n’était plus question de malentendu mais du fils prodigue retrouvé. Après la victoire en double de la paire Mahut-Herbert, le numéro un français a l’occasion d’apporter le point décisif face à Dusan Lajovic ce dimanche. Depuis la fin de la saison passée, où Jo-Wilfried Tsonga avait fait part à son capitaine de ne pas compter sur lui pour la campagne 2017, la relation entre les deux hommes s’était ostensiblement distendue. Absent pour le premier tour face au Japon, début février, le jeune papa n’avait pas pris part au quart de finale, deux mois plus tard, contre la Grande-Bretagne.

S’épanchant dans la presse, le capitaine ne s’était alors pas privé de faire connaître le fond de sa pensée : « Je ne suis pas là pour changer l’état d’esprit de tous les joueurs français depuis quinze ans », confiait-il dans L’Equipe début avril. Et d’asséner : « Les absents ont toujours tort. » Par contraste, tout au long du week-end rouennais – où, pour la première fois depuis 2005, aucun « mousquetaire » n’était aligné – Yannick Noah avait loué, presque à l’excès, le comportement exemplaire de Lucas Pouille. « Le jeune », comme il le surnomme affectueusement, « il a les qualités des bons ». « Il porte les sacs au Japon, le jeune [lors du premier tour, insuffisamment remis d’une blessure, le Nordiste avait fait le déplacement à Tokyo mais en restant sur le banc]. Il apporte des points, le jeune. C’est ça l’esprit. » Un message adressé en creux aux élèves indisciplinés « à l’état esprit fluctuant », Tsonga en tête.

« Pas une obligation »

L’histoire avait pourtant bien commencé entre Jo-Wilfried Tsonga et Yannick Noah, depuis son retour à la tête des Bleus, en septembre 2015. C’est même en grande partie grâce au numéro un français que le deuxième « come-back » de l’icône avait été rendu possible. Certes, Noah avait lui-même lancé un appel du pied aux « mousquetaires » au lendemain de la défaite en finale contre la Suisse, en novembre 2014. Mais sans l’insistance de Jo-Wilfried Tsonga et de Richard Gasquet, le dernier vainqueur français en simple à Roland-Garros ne serait peut-être pas à ce poste aujourd’hui. « J’avais besoin de trouver quelqu’un qui a fait mieux que ce que j’ai fait dans le tennis français », dira Tsonga au lendemain de son intronisation, ayant dans le même temps des mots durs à l’encontre de son prédécesseur, Arnaud Clément.

Pourtant, au sortir du quart de finale victorieux contre la Grand-Bretagne, en avril, le divorce semble bel et bien consommé entre les deux hommes. Pour la suite de la campagne 2017, indique Noah, priorité sera donnée, « et de loin », à ceux « qui étaient au Japon et à Rouen ». Huit jours plus tard, en marge de Monte-Carlo, Jo-Wilfried Tsonga lui répond par lettre ouverte interposée, dans laquelle il annonce être à la disposition « de l’équipe de France et de son capitaine » pour la réception de la Serbie en demi-finale, mi-septembre. Le plus capé des joueurs français en activité remet les choses au clair : s’il joue pour l’équipe, « ce n’est pas parce qu’on m’y oblige mais tout simplement parce que je l’aime profondément ».

Le message a été bien reçu par l’intéressé. Après une franche discussion entre eux, le différend est soldé. Et malgré son été peu reluisant (quatre victoires en dix matchs depuis Roland-Garros), Tsonga est à nouveau sélectionné par Noah pour affronter la Serbie.

En guise de décor pour leurs retrouvailles, le stade Pierre-Mauroy de Villeneuve-d’Ascq. Au cours du week-end, le numéro 1 français – un statut souligné à double trait par Noah au cours du week-end – et son capitaine se sont mutuellement flattés, le premier relevant « les relations humaines » et l’approche « très à l’écoute, empathique » du second. « Il a vraiment à coeur de bien faire, il nous a soutenus au-delà du point qu’il nous rapporte », a renvoyé Yannick Noah de volée.

« Cette année ou jamais »

Incapable, selon ses dires, de ne pas reproduire le schéma négatif dans lequel il s’était enfermé lors du premier match de la demi-finale (et la défaite de Lucas Pouille), le capitaine, soulagé, a souligné vendredi la sérénité apportée par le Manceau face à Djere : « A un moment, Jo m’a dit : “Ecoute, Yann, c’est bon, je l’ai [le match]. Cool, laisse moi faire.” Et il a fait son match. » Et le joueur d’assumer ses galons de leader des Bleus après la désillusion de Pouille : « J’avais envie de venger mon pote. » Coéquipier de nouveau modèle, il souhaite lui éviter les aléas d’un cinquième match décisif : « Evidemment, je ne lui souhaite pas d’entrer sur le terrain dimanche mais s’il devait y aller, je suis certain qu’il ferait un grand match. »

Solide face à un adversaire dont il convient de souligner la verdeur, le numéro 1 français a apporté, selon Noah, « beaucoup plus qu’un point, [prenant] sur lui et [remettant l’équipe] sur les rails ». Après leur victoire en double, les Bleus sont à un point d’une 18e finale de leur histoire en Coupe Davis. Si le 18e mondial part favori de la rencontre face à Dusan Lajovic (80e), reste que le bourreau de Lucas Pouille devrait fournir « une meilleure opposition » à Tsonga que son compatriote Laslo Djere, convient Noah.

« C’est cette année ou jamais, et les joueurs le savent », a répété le capitaine samedi, se projetant vers une éventuelle finale en Australie (les joueurs de Lleyton Hewitt menant eux aussi 2-1 dans la demi-finale les opposant à la Belgique, après leur victoire en double). Tsonga, qui a disputé diminué physiquement la finale de 2014 (remportée par la Suisse) et avait manqué celle de 2010 perdue en Serbie en raison d’une blessure au genou, aurait une nouvelle occasion de pouvoir enfin soulever le saladier d’argent après lequel il court depuis près de dix ans.