Le maire de New York, Bill de Blasio, au premier rang de l’opposition à Donald Trump sur le climat. / LUCAS JACKSON / REUTERS

Dans les locaux du New York Times, lundi 18 septembre, Bill de Blasio fait contempler à son auditoire les gratte-ciel de New York. Las, ces superbes buildings sont souvent d’immenses passoires énergétiques. En pleine campagne électorale, le maire démocrate de New York propose de les contraindre à revoir chauffage, air conditionné et isolation d’ici à 2030.

En ligne de mire, les 15 000 bâtiments (sur 1 million) qui émettent le quart des émissions de gaz à effet de serre. Les contrevenants devront payer 2 millions de dollars par an pour un immeuble de 100 000 mètres carrés. « Tout cela équivaudra au retrait de 900 000 voitures par an des rues de New York », assure M. de Blasio, qui n’entend pas créer de péage urbain ou condamner les voies sur berge. « Nous agirons », conclut-il.

Trois mois après l’annonce par Donald Trump du retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat, les collectivités locales américaines se prennent en main. C’est le sentiment qu’elles ont voulu donner lors de la réunion C40, ce forum des grandes villes de la planète engagées contre le réchauffement sous la présidence de la maire de Paris, Anne Hidalgo.

375 villes des Etats-Unis ont décidé de mettre en place l’accord de Paris, alors que les effets du dérèglement climatique, à New York avec la tempête Sandy de 2012, cet été dans le golfe du Mexique, sont flagrants. « Beaucoup de gens en Floride et au Texas ont malheureusement compris que le réchauffement n’était pas une fiction », a expliqué Bill de Blasio.

« L’iceberg du déni craque »

Alors, les esprits ont-ils évolué ? C’est l’avis de Rahm Emanuel, ancien chef de cabinet du président Obama et maire de Chicago, qui était présent au premier accord, celui de Kyoto en 1997 et à Paris fin 2015 : entre-temps, les gens ont réalisé que le dérèglement était concret et ils voient que cela peut augmenter la croissance, a noté M. Emanuel.

Alors, peu importent les foucades de Donald Trump ? se demande-t-on dans cette assistance d’une centaine de personnes acquises à la cause. Oui et non. Pour le gouverneur démocrate de Californie, Jerry Brown, « Donald Trump fait tellement d’idéologie extrême et de négation du changement climatique, qu’il aide l’autre côté, cela a un effet boomerang », juge le gouverneur, estimant que « l’iceberg du déni craque. Par sa propre absurdité, Trump accélère le retour de balancier ».

Certes, les Républicains en ont fait un enjeu politique, bannissant le terme « changement climatique », mais « la conviction politique est superficielle, la communauté du business va changer et les Républicains vont suivre », prédit Jerry Brown.

Risque de rater le basculement énergétique

Tout cela n’empêche pas de déplorer l’absence de l’engagement fédéral. Bien sûr, les villes sont au premier plan, la moitié de la population mondiale étant urbanisée et étant responsable de 70 % des émissions de gaz à effet de serre, comme l’a expliqué pour l’ONU la Mexicaine Patricia Espinosa. Il n’empêche, la puissance fédérale est importante, estime le milliardaire philanthrope Tom Steyer, président de NextGen America.

« Le coût des énergies renouvelables ne serait pas compétitif s’il n’y avait pas eu de politique publique en leur faveur, explique-t-il, mettant en garde l’Amérique contre le risque de rater le basculement énergétique. A la Silicon Valley, on dit qu’on ne peut pas rater une génération technologique. Si on décide de ne pas être leader de la voiture électrique, ce sera une perte gigantesque, et pour cela, il faut la politique : si nous ne la rendons pas acceptable pour les automobilistes, par exemple avec des bornes d’alimentation, nous allons rater cette révolution. »

Ce colloque se tenait alors que le Wall Street Journal faisait part des velléités de la Maison Blanche, rapidement démenties, de ne pas sortir de l’accord de Paris. « Les Etats-Unis pourraient reconsidérer cette décision en constant les dégâts causés en Floride et au Texas », espère le maire de Mexico, Miguel Angel Mancera.

Mais cela exige-t-il de renoncer au mode de vie américain – maisons en terrain inondable, automobiles multiples, chauffage et air conditionné toute l’année ? « Ce qui est en cause, c’est la qualité de la vie, les gens changent et pas seulement au Texas. De plus en plus, ils veulent des cités dans lesquelles on peut se promener à pied », rétorque Steve Adler, le maire démocrate d’Austin (Texas), plutôt optimiste sur le climat : « C’est une guerre culturelle de plus en plus facile à mener. »