De g. à dr. : Nicolas Mahut, Pierre-Hugues Herbert, Lucas Pouille, Jo-Wilfried Tsonga et le capitaine de l’équipe, Yannick Noah, le 17 septembre. / PHILIPPE HUGUEN / AFP

Billet. La France est en finale de Coupe Davis pour la dix-huitième fois de son histoire. On ne va pas se mentir. Au risque d’être taxé de pisse-vinaigre, cette campagne 2017 n’est pas la plus héroïque. Ni la plus enthousiasmante. Prétendre le contraire serait un manque de clairvoyance ou de la pure mauvaise foi. Pour y arriver, l’équipe de France a eu à affronter successivement des nations privées de leurs plus vaillants porte-drapeaux.

Il y eut, dans l’ordre, le Japon sans Nishikori en février. Puis la Grande-Bretagne sans Andy Murray en avril. Et enfin ce week-end, à Lille, la Serbie sans Djokovic (ni Troicki, ni Tipsarevic). Au moment de faire l’impasse sur le premier tour, le numéro un japonais avait invoqué un calendrier trop chargé et réclamé, au diapason avec la majorité des joueurs du circuit, une réforme de cette compétition chaque année un peu plus délaissée. Les absences de Murray et Djokovic – patriotes, eux, invétérés – étaient certes dues à des blessures. Il n’empêche.

Le mieux classé des adversaires en simple ? Dan Evans, lequel pointait à la 44e place mondiale lors du quart de finale, début avril à Rouen. La statistique est encore moins reluisante quand on sait que le Britannique a été contrôlé positif à la cocaïne, deux semaines plus tard, lors du tournoi de Barcelone…

Une facette inconnue du capitaine Noah

Depuis qu’il a repris les rênes de cette équipe de France, il y a deux ans, le capitaine Noah a la baraka. Il fait fi des critiques d’une campagne au rabais, sans les meilleurs. « Nous, on est contents puisqu’on n’est pas les meilleurs », a-t-il d’abord ironisé dimanche soir. Avant de faire du Noah, dans un de ces monologues au ton posé et sincère :

« Ça ne gâche pas mon plaisir. Ce qui fait la beauté de l’épreuve, c’est ce qui se passe sur le court, quand il y a des scénarios un peu dramatiques et puis ça se termine bien, avec de la joie, beaucoup de bonheur. Les mecs ont bien joué, ont gagné des points accrochés, y’avait de la tension, y’avait tout ce qu’il faut pour un match de Coupe Davis, peu importe les joueurs. On part de Lille vraiment contents, et puis y’en a qui sont pas contents… on essaiera de les inviter à la prochaine fête… »

Cette semaine, le capitaine a montré une facette qu’on ne lui connaissait pas. On avait l’habitude du Noah jovial, du Noah transcendé, presque habité. A Lille, il a avoué être « stressé ». Mangé par la pression. Il y a de quoi quand une rencontre est sur le papier « imperdable » et qu’on porte sur ses épaules les attentes d’une Fédération en manque de résultats, empêtrée dans les crises internes. Une issue heureuse arrangerait bien ses dirigeants prêts à récupérer politiquement la victoire des Bleus et profiter d’une éclaircie. « Quand tu as l’impression d’être attendu au tournant, ce n’est pas facile », ajoutera Noah.

« Tant qu’il y a une chance, il faut la saisir »

Le vieux sage, qui a déjà permis deux fois à la France de soulever le saladier d’argent (en 1991 et 1996), a aussi admis sa lassitude. En cas de défaite comme de succès, il est quasi certain que cette campagne sera sa « der des der ». Même si la qualification l’a – momentanément – ragaillardi, dimanche soir : « Mon rêve, c’est de pouvoir revivre avec ces gars ce que j’ai pu vivre avec d’autres, cet instant magique après la balle de match de la finale, y’a pas de mots… [pour décrire ça]. Moi, j’ai pas gagné dix Roland-Garros, j’ai pas gagné 50 Grands Chelems. J’ai un Roland, deux Coupe Davis, une Fed Cup. C’est des moments qui comptent dans ma vie. »

Les plus perfides des observateurs ne manqueront pas de souligner qu’un saladier d’argent viendrait à point nommé pour sauver une saison morose pour les Bleus. Voire épaissir une carrière au palmarès encore vierge de titres majeurs – et, qui sait, servir de tremplin. « Toutes les semaines, on raconte qu’ils n’ont jamais rien gagné. On leur répète : “Vous n’avez rien gagné, vous n’avez rien gagné, vous n’avez rien gagné… et quand vous gagnez, les autres sont nuls…”, regrettait leur capitaine, après la qualification pour la finale. C’est une réalité mais c’est pas en se disant ça toute la journée que tu vas gagner. Faut parfois se dire que c’est peut-être pas extra, mais c’est pas si mal et que tant qu’il y a une chance, il faut la saisir. »

Mais dans le fond, Noah le sait mieux que quiconque : toutes ces considérations malveillantes s’évaporeront instantanément si apothéose il y a, le 26 novembre au soir, face à la Belgique. L’Histoire ne retiendra que la victoire.