Université de Tours. / David Darrault / Université de Tours via Campus

Voici l’histoire de Charly : elle commence, en 2015, par les premiers pas d’une étudiante en licence d’anglais à l’université de Tours qui, deux ans plus tard, devient étudiant en deuxième année de psychologie dans le même établissement. En plus d’une réorientation dans son cursus, Charlie a fait son « coming out en tant que personne transgenre ». L’université l’a épaulé.

Changer de nom, d’apparence, même à la fac, peut avoir des conséquences chaotiques voire kafkaïennes. Une transformation qui grippe la routine, les usages de la vie de l’université. « Je devais à chaque instant me justifier, expliquer qui j’étais », témoigne Charly, doté d’une carte d’étudiant sur laquelle ni le prénom ni la photo ne lui ressemblent.

En effet, sur les listes d’appel des enseignants figurent ses prénom et patronyme. Pour celui qui est devenu Charly, il faut, trop souvent expliquer, publiquement, qu’elle, c’est bien lui. Lorsque le cours se termine, direction la bibliothèque, et là encore, pour simplement emprunter un livre, il faut montrer patte blanche ou sa carte d’étudiant et expliquer encore que oui, il a quelque peu changé depuis le tirage de la photo, mais que c’est bien lui, Charly. « J’étais soumis à une identité qui ne me représentait pas », regrette l’étudiant.

La désagréable séquence se reproduit, au restaurant universitaire, au cinéma, au musée, dans les transports en commun. Et ce, jusqu’à l’insupportable. « Je me suis tourné vers le syndicat SUD-Solidaires étudiants qui m’a orienté vers la personne idoine » : Concetta Pennuto, chargée des missions diversité, égalité et handicap. Cette dernière se souvient :

« Charly m’a demandé un rendez-vous à la fin de 2016. Il m’a expliqué les difficultés administratives auxquelles il était soumis du fait de son choix. Nous avons soumis son problème aux différents services de l’université concernés : la présidence de l’université, la direction du service juridique, la vie étudiante, l’administration. A l’unanimité, nous avons décidé de la création d’une carte étudiante qui enregistre le nom d’usage choisi par la personne. »

A compter de la rentrée 2017, les étudiants de l’université de Tours peuvent être identifiés autrement que par leur prénom d’état civil lors des examens, les appels. Ils peuvent également disposer d’une nouvelle adresse e-mail pour corriger le prénom, s’ils le souhaitent. Depuis le début de septembre, cinq personnes ont fait déjà connaître leur intérêt.

Adaptation au-delà des murs de l’université

Cette adaptation de l’établissement aux difficultés que rencontrent les personnes transgenres dépasse même les murs de l’université : dans le cas où un étudiant qui a changé d’identité poursuit son cursus ailleurs, l’université de Tours se charge de prendre contact avec les services de son homologue accueillante, pour faciliter l’intégration de l’étudiant(e) transgenre et lui éviter d’avoir une nouvelle fois à s’expliquer.

Les anciens de la fac sont également concernés. Les diplômés qui ont changé d’état civil peuvent se faire éditer un nouveau diplôme avec leur nouveau prénom et éviter ainsi, lors d’un entretien de recrutement, d’avoir à justifier, auprès de leur potentiel employeur, leur évolution.

Dernière innovation dans l’accueil des personnes transgenres : la création de « toilettes pour tous ». Un sujet qui a provoqué un vif débat aux Etats-Unis depuis que l’administration Trump a décidé de ne pas appliquer le principe de non-discrimination dans l’enseignement prévu par la loi, afin de permettre aux personnes transgenres d’accéder aux toilettes du sexe auquel ils ou elles s’identifient et non à celui de leur naissance.

« Il est important pour les personnes androgynes de pourvoir se rendre aux toilettes sans se poser de question sur leur appartenance », estime Charly. La faculté de médecine de Tours prévoit de construire un « pipi-room » universel en décembre. « Un grand pas vers l’égalité des toilettes », assure Charly.