La proposition faite cet été par SFR d’installer l’Internet très haut débit (la fibre) sur tout le territoire continue de faire des remous auprès des élus. L’opérateur détenu par Patrick Drahi a suggéré de se substituer à la puissance publique en investissant également dans les campagnes, où ces investissements ont été pris en charge par les collectivités. Problème aux yeux des élus : rien aujourd’hui ne peut empêcher SFR de mettre sa menace à exécution.

Une poignée de sénateurs s’est donc mobilisée pour concocter un texte qui empêcherait SFR de se livrer à ce qu’ils considèrent être de la concurrence déloyale. « Je travaille sur une proposition de loi, qui aurait comme objectif de sécuriser les investissements publics. Si ces investissements existent, c’est pour pallier les carences du privé. Il serait donc contre-productif qu’une entreprise privée ait changé d’avis. Imagine-t-on un nouveau réseau d’eau ou d’électricité venant concurrencer ceux des villes ? », explique Patrick Chaize, sénateur Les Républicains de l’Ain, et président de l’Avicca, une association des villes et des collectivités dans le numérique. « Il s’agit de donner à la collectivité une autorité organisatrice », complète l’élu, qui espère avoir terminé la rédaction du texte pour la rentrée parlementaire d’ici une quinzaine de jours.

Jusqu’à présent, le gouvernement ne s’est pas réellement prononcé sur les ambitions de SFR. « C’est dommage qu’il n’y ait pas eu de réaction plus forte », regrette aussi l’élu. Avec sa proposition, qui promet ainsi 3 milliards d’euros d’économies, SFR a mis les pouvoirs publics dans une position délicate. Pas facile de repousser cette offre d’un revers de la main, même si en face l’opérateur n’apporte pour le moment aucune garantie.

« Avis de tempête »

En attendant, SFR était dans toutes les têtes et dans tous les débats aux Universités d’été du très haut débit, un rendez-vous annuel des professionnels qui se tenait à Epernay les 13 et 14 septembre. « C’est un coup d’arrêt au très haut débit dans les territoires ruraux. C’est grave », a lancé Philippe Richert, président de la région Grand Est, qui a donné en juillet dernier son feu vert à un projet de 1,3 milliard d’euros pour fibrer 1 million de prises dans la région. Sentant que le marché allait lui échapper, Michel Combes, le PDG de SFR, avait d’ailleurs écrit à l’élu pour le menacer d’un recours.

Finalement, il n’a pas mis sa menace à exécution, mais a déjà laissé entendre qu’il pourrait investir sur ce territoire. « Il y a un avis de tempête depuis l’été car les règles ont été mises à mal. Mais c’est mieux que la crise arrive maintenant que plus tard. Cela nous permet de voir que le plan très haut débit tient sur un consensus, et ne dispose pas de socle légal », a expliqué David Elfassy, le patron d’Altitude Infrastructures. Son entreprise fait partie des actionnaires de Rosace, la société ad hoc créée pour construire le réseau de fibre du Grand Est. Sur la totalité des 1,3 milliard d’euros, 85 % des fonds viennent du privé. Rosace a dû contracter un emprunt bancaire de 700 millions d’euros. De quoi donner des sueurs froides à ses actionnaires.