Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie à Bercy. / ERIC PIERMONT / AFP

Le tour de vis pourrait être moins dur que prévu. Le gouvernement a revu à la baisse ses ambitions d’économies pour 2018, dans un contexte de mécontentement contre les coupes budgétaires. Le premier ministre les chiffrait, début juillet, à « 20 milliards d’euros », après avoir dénoncé lors de son discours de politique générale une « addiction française à la dépense publique ». Or, selon des sources concordantes citées par l’Agence France-Presse (AFP), l’objectif retenu dans le projet de loi de finances (PLF), qui sera présenté le 27 septembre en conseil des ministres, a finalement été abaissé à « environ 16 milliards d’euros ».

La révision « tient compte des nouveaux éléments » à la disposition de l’exécutif, notamment en termes de croissance économique et de recettes fiscales, a expliqué à l’AFP l’une de ces sources. En plein bouclage du premier budget du quinquennat, Bercy a en effet relevé lundi sa prévision de croissance pour 2017, de 1,6 % à 1,7 %, afin de s’aligner sur « le consensus des économistes ». Ce regain de croissance, synonyme de hausse des rentrées fiscales pour cette année mais aussi pour 2018, offre une bouffée d’air frais au gouvernement, confronté à une équation budgétaire compliquée.

« Respect des 3 % »

Selon Les Echos, l’exécutif pourrait même profiter de cette embellie pour revoir à la baisse son objectif de réduction du déficit public à la fin de 2018 : ce dernier s’établirait à 2,6 % du produit intérieur brut (PIB), au lieu des 2,7 % jusque-là annoncés. Interrogé sur l’objectif d’économies, Matignon n’a pas donné de son côté de chiffre précis, disant se fixer comme cap budgétaire le « respect des 3 % » de déficit.

« Nous ne voulons pas faire une politique de rabot, mais engager de vraies politiques de transformation qui permettront des économies intelligentes et durables. »

Selon Bercy, la dépense publique – c’est-à-dire l’argent déboursé par l’Etat, la Sécurité sociale et les collectivités territoriales – devrait baisser, l’an prochain, de 0,7 point de PIB. Cela ne se fera pas par « de la purge et du rabot » mais en menant une « réflexion sur les missions et l’efficacité du service public », a assuré le ministre des comptes publics Gérald Darmanin, dans un entretien au Monde.

Lors du débat d’orientation budgétaire début juillet, l’exécutif s’était engagé sur une baisse de 0,9 point du taux de dépense publique, censé passer de 54,7 % du PIB en 2017 à 53,8 % en 2018.

Ajustement « prévisible »

« Le gouvernement recule déjà et a vite repris les vielles routines politiques », a dénoncé dans un communiqué Eric Woerth, président Les Républicains de la commission des finances de l’Assemblée nationale.

« Selon les différentes annonces des ministres, la plupart des budgets des ministères vont augmenter en 2018 (…) Hormis les sempiternelles réductions que s’applique Bercy à lui-même, nous sommes donc en droit de nous demander quels sont les budgets en baisse. »

Pour François Ecalle, ancien magistrat de la Cour des comptes et fondateur du site fipeco.fr, cet ajustement était néanmoins « prévisible ». « Le gouvernement avait placé la barre très haut, sans doute trop », argue-t-il.

Dans son discours de politique générale, Edouard Philippe avait promis un gel en volume de la dépense publique, jusque-là inédit, en 2018. « La dépense devrait finalement augmenter de près de 0,3 %, ce qui reste très ambitieux », la moyenne des années précédentes étant située entre 1 % et 2 %, souligne M. Ecalle.

« Ce qui est incontournable c’est de respecter les 3 % », abonde Michel Taly, avocat fiscaliste chez Arsène Taxand et ancien directeur de la législation fiscale à Bercy, interrogé par l’AFP. « Que ce soit 15 ou 20 milliards, peu m’importe, dès lors que les 3 % sont respectés », résume-t-il.

Pour le gouvernement, ces quelques milliards sont pourtant une aubaine. Entre les coupes budgétaires (emploi, logement) et la réforme du code du travail par ordonnances, l’exécutif a attisé les foyers de contestation : routiers et fonctionnaires sont déjà appelés à faire grève.

Or le président Emmanuel Macron entend engager d’autres réformes en 2018 (assurance chômage, formation professionnelle). « S’il veut faire passer ses réformes de fond, il faut peut-être qu’il lâche un peu de lest sur la gestion budgétaire », juge Alain Trannoy, directeur de recherches à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).