Jean-Marie Collin, vice-président d’Initiatives pour le désarmement nucléaire et membre expert de ICAN France (Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires). / Stéphane Jézéquel / F111K

Le traité d’interdiction des armes nucléaires sera ouvert à ratification à compter de mercredi 20 septembre. La cérémonie de signature se déroulera pendant la 72e session de l’Assemblée générale des Nations unies, à New York. Pour les partisans du désarmement nucléaire, ce traité autorise de nouveaux espoirs, comme l’explique Jean-Marie Collin, vice-président d’Initiatives pour le désarmement nucléaire et membre expert d’ICAN France (Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires), un collectif créé au printemps 2009.

Combien d’Etats s’apprêtent-ils à ratifier ce traité ?

Jean-Marie Collin : Il est difficile de dire exactement combien de chefs d’Etat ou de gouvernement vont venir signer ce texte ce jour-là ; mais on peut supposer qu’une cinquantaine de signatures vont être apposées rapidement sur ce document.

D’ores et déjà, de nombreuses délégations diplomatiques ont annoncé leur présence (Mexique, Costa Rica, Bangladesh, Brésil, Autriche, Irlande, Suède, Malaisie, Algérie…). Le Saint-Siège sera le premier signataire. Un message fort à l’intention des Etats occidentaux qui rejettent ce texte, mais où se trouvent de très fortes majorités catholiques.

Je suis confiant sur la dynamique générale de ratification qui va se mettre en place dans les prochains mois. Pour mémoire, 122 Etats ont voté, dans le cadre de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies, le 7 juillet, pour la création d’un instrument juridique qui interdise la production, la possession, le stockage, le transfert, le déploiement, l’emploi ou la menace d’emploi des armes nucléaires.

Cela représente 63 % des Etats représentés à l’ONU : un chiffre remarquable, compte tenu des fortes pressions exercées par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France sur leurs alliés, notamment africains.

Pourquoi la France s’oppose-t-elle à ce traité ?

Le président Macron et son ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, restent sur une position extrêmement hostile. Leurs arguments sont d’une grande faiblesse comme, par exemple, celui qui consiste à indiquer que le traité risque d’affecter la sécurité de la région euro-Atlantique et la stabilité internationale.

Veulent-ils vraiment faire croire que les armes nucléaires assurent la stabilité internationale ? Au vu de la crise nord-coréenne ou des patrouilles de bombardiers stratégiques américains vers la Russie (et inversement), cela ne semble être guère le cas !

La France ne peut pas continuer à ignorer les préoccupations sécuritaires de la majorité de la planète. Une revue stratégique a été lancée pour préparer la loi de programmation militaire (2019-2025) ; l’impact de ce traité sur la politique de dissuasion devrait y être abordé au cours de cette étude et notre organisation est prête à venir s’exprimer dans ce cadre.

Quand ce traité pourra-t-il être mis en place ?

Le traité doit entrer en vigueur « quatre-vingt-dix jours après le dépôt du cinquantième instrument de ratification ». On peut espérer une entrée en vigueur au plus tard d’ici à mai 2018, ce qui signifierait une première réunion des Etats membres à Vienne un an après.

Ce traité aura-t-il vraiment un impact sur la dénucléarisation ?

Chaque nouvel Etat signataire viendra renforcer le poids de cet instrument dans la politique internationale et pourra avoir une influence sur les pratiques militaires des Etats non signataires.

Quant au processus de diminution du nombre d’armes nucléaires, il ne pourra naturellement s’engager qu’à partir du moment où un Etat possédant des armes nucléaires aura décidé de rejoindre ce traité multilatéral.

Mais cela ne signifie pas que celui-ci est inutile, puisqu’il faut bien passer par la création du droit d’interdire les armes nucléaires, pour pouvoir ouvrir pleinement la porte à leur élimination.

Le développement du programme nucléaire nord-coréen ne montre-t-il pas les limites d’un tel exercice ?

Quand, en août 2013, le régime syrien utilisa des gaz toxiques, les grandes puissances n’ont pas dit que cela remettait en cause le droit international qui interdit les armes chimiques. Au contraire, la Syrie s’est vue contrainte d’éliminer son arsenal chimique, sous la surveillance de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques. Pourquoi, pour les armes nucléaires, ne devrait-on pas suivre le même schéma ? Ce traité vient affirmer que les armes nucléaires américaines, françaises, chinoises ou nord-coréennes menacent des millions de civils à travers la planète. Un danger qui ne peut être accepté, et cela, quel que soit le régime politique d’un Etat.