Téléfilm sur France 3 à 20 h 55

"Le viol", fiction diffusée sur France 3 le 19/09 à 20h55 (extrait 2)
Durée : 00:55

Leurs noms ont été changés mais c’est bien l’histoire d’Araceli Castellano et Anne Tonglet que relate le téléfilm d’Alain Tasma. Une histoire de viol. Celui dont ont été victimes, au mois d’août 1974, ces deux jeunes touristes belges, respectivement âgées de 19 et 24 ans. En vacances dans les calanques de Marseille, alors qu’elles dormaient sous leur tente, trois garçons ont fait irruption, les ont menacées, frappées, violées durant cinq heures. Elles ont porté plainte, raconté chaque détail de leur agression, supporté jusqu’à la nausée les examens médicaux et gynécologiques. De leur côté, interpellés par les gendarmes, les trois garçons ont admis les actes sexuels, invoqué le consentement mutuel et ont été inculpés, en correctionnelle, pour « coups et blessures ».

Le préambule est sec, traité d’emblée par le réalisateur du point de vue des deux jeunes filles – rebaptisées Malia (Bérangère McNeese) et Nicole (Camille Sansterre) – au moment où elles entreprennent leur combat contre toute une société pour laquelle le viol n’est pas considéré comme un crime. La ­caméra toujours en mouvement, Alain Tasma ne quitte pas des yeux ses deux « héroïnes » dans ce quotidien douloureux où elles doivent subir les reproches des amis lassés de les entendre parler de « ça », le rejet des autres, suspicieux et mal à l’aise. Un quotidien devenu une enclume où la peur du monde ­extérieur les fait s’enfuir au moindre inconnu qui leur adresse la ­parole, les pousse à se calfeutrer chez elles puis à déménager.

"Le viol", fiction diffusée sur France 3 le 19/09 à 20h55 (extrait 4)
Durée : 01:14

Cependant, les deux jeunes filles ne lâcheront rien. Le téléfilm les suit aussi dans la bataille qu’elles mènent avec obstination pendant quatre ans, afin d’obtenir un renvoi de leur procès aux assises. Dans cette France misogyne, elles ont contre elles d’être des femmes. Pire, des homosexuelles. Mais ­elles ont pour elles d’être deux et de pouvoir se soutenir ; mais aussi d’entraîner un formidable mouvement de solidarité de la part des femmes qui se mobilisent, font signer des pétitions, alertent les médias.

Avec, dans leur sillage, une figure phare du barreau de Paris et grande militante féministe : Gisèle Halimi (Clothilde Courau). C’est elle qui, en 1978, aux assises où ­l’affaire est enfin portée, assure la défense des deux jeunes filles.

Bérangère Mcneese (Malia) / François LEFEBVRE/FTV

« Ce procès, nous allons le gagner. Je le sais. J’en suis sûre. L’attente a été longue, pénible, mais ça y est. C’est maintenant. Les semaines qui viennent vont être violentes mais vous ne devez avoir ni honte ni peur. La honte n’est pas de votre côté mais du leur », dit-elle aux victimes, avant d’obtenir, après de longues semaines d’une grande violence, la condamnation des trois agresseurs à six et quatre ans de prison ferme. Ce procès qui fit grand bruit contribuera à la promulgation, le 23 décembre 1980, d’une nouvelle loi, qui requalifie le viol de crime, et non plus de délit.

Alain Tasma signe là un téléfilm fort, dur et âpre, volontairement et fermement engagé. Sa diffusion sera suivie par un débat puis un documentaire (Le Procès du viol). Une programmation digne du service public. Et nécessaire, car aujourd’hui, en France, 13 % des femmes seulement ayant subi un viol osent porter plainte.

Le Viol, d’Alain Tasma. Avec Camille Sansterre, Berangère McNeese, Clothilde Courau, Pierre Audrau, Stéphane Rideau, Baudoin Cristoveanu (Bel., 2017, 90 min).