A l’Ecole nationale de la magistrature (ENM) de Bordeaux, en 2009 lors de son cinquantenaire. / PIERRE ANDRIEU / AFP

Une trentaine d’étudiants ont commencé leur scolarité dans un nouveau master 2 à Rennes intitulé « Justice, procès et procédures », dont le but est de démocratiser l’accès au concours de magistrat. L’université de Bretagne-Occidentale, l’université de Nantes et l’université Rennes-I se sont en effet réunies pour créer ce nouveau master 2 interrégional, intégrant un parcours « magistrature », préparant au concours d’entrée à l’Ecole nationale de la magistrature (ENM). L’ENM et la cour d’appel de Rennes ont ainsi signé une convention avec les trois universités, lundi 11 septembre, pour soutenir cette formation. L’événement a eu lieu sous les ors du Parlement de Bretagne, où siège la cour d’appel de Rennes. Le but clairement affiché des promoteurs de cette formation est d’aider les jeunes juristes de Bretagne et des pays de Loire « à réussir sans exil ni prépa privée ».

Ce nouveau cursus vient en effet combler un manque. Les statistiques de l’ENM montrent une surreprésentation des lauréats nés en Ile-de-France (26,8 % des admis en 2016) alors que d’autres régions, comme la Bretagne (6,28 %), restent sous-représentées. A Rennes, Olivier Leurent, directeur de l’ENM, a rappelé l’attachement français au concours de recrutement des magistrats, garant de leurs compétences. « Mais pour que le recrutement sur concours des magistrats ne soit pas qu’un alibi afin de maintenir l’institution judiciaire entre les mains d’un petit groupe de citoyens privilégiés, ne représentant en rien le peuple français au nom duquel la justice est pourtant rendue, encore faut-il s’assurer que l’accès à la compétence soit démocratique et égalitaire, quelles que soient les origines sociales ou géographiques », a lancé M. Leurent.

Le premier concours – la principale voie d’accès à l’ENM ouverte aux diplômés en droit titulaires au moins d’un master 1 – a recruté cette année 215 futurs magistrats, sur plus de 3 000 candidats, un chiffre stable depuis trois ans, et qui fait suite à une période de disette (157 places en 2014) :

A Rennes, le nouveau master 2 comprend 492 heures de cours et 30 devoirs corrigés assurés par les enseignants des trois universités, qui accréditent ensemble le diplôme. Pour les étudiants qui n’auront pas réussi le concours, « la formation diplômante permet d’envisager d’autres débouchés », a souligné Xavier Ronsin, premier président de la cour d’appel de Rennes et ancien directeur de l’ENM, qui est à l’initiative du nouveau diplôme.

De son côté, l’Ecole nationale de la magistrature, sise à Bordeaux, entend favoriser un accès à la magistrature « démocratique et égalitaire, quelles que soient les origines sociales ou géographiques », selon M. Leurent, qui souligne que 39 % des admis en 2017 étaient boursiers. L’ENM facilite donc avec les cours d’appel l’organisation des stages en juridictions (112 en 2017, souvent rémunérés) « dont on sait à quel point ils comptent pour la motivation des étudiants mais également pour affronter les questions du jury sur le fonctionnement de la justice au quotidien. Il n’est plus question aujourd’hui que ces stages soient réservés à quelques étudiants privilégiés issus de la communauté judiciaire par leurs origines familiales », a expliqué M. Leurent à Rennes.

En 2008 et 2009, l’ENM avait déjà ouvert trois classes préparatoires – à Paris, Douai et Bordeaux –, dans le but de favoriser l’égalité : leurs élèves sont recrutés avec une attention à leurs conditions de ressources. Ces petites structures (moins de 20 élèves) proposent, outre une préparation au concours, un suivi personnalisé et un « panel d’activités culturelles » : théâtre, opéra, visites de musées… Elles affichent un taux de réussite au concours de 15,4 % en 2016.

Si les concours juridiques sont d’abord préparés dans les instituts d’études judiciaires (IEJ) des universités, les préparations privées paraissent, pour certains, relever du passage obligé afin de mettre toutes les chances de leur côté. L’Institut supérieur de préparation aux grandes écoles (ISP) se présente ainsi comme « la référence nationale » pour ce concours, comme d’autres de la fonction publique. Présent dans neuf villes de France, il revendique en effet un taux de succès de 60 % au concours de l’ENM. Ses frais de scolarité s’élèvent à 3 120 euros par an. Mais la concurrence est de plus en plus forte sur ce créneau. L’initiative bretonne ouvre donc une alternative moins onéreuse.