Sur le campus Croix-Rouge de l’université de Reims, le 18 septembre. / FRANCOIS NASCIMBENI / AFP

« Il y a plus de bénévoles que de migrants ! », s’amuse Julian Teodorescu, étudiant à la tête de la section rémoise de l’UNEF. Une manière de souligner son désaccord avec la décision « extrême » de l’université de Reims d’interdire l’accès au campus Croix-Rouge et donc de suspendre les cours, à la suite de l’installation d’un campement d’une quarantaine de migrants, dimanche 17 septembre.

A 9 heures, mardi, ils étaient trois jeunes hommes, des Albanais, rassemblés sous un abri de fortune constitué de quelques planches de bois, entourés d’étudiants du syndicat et de citoyens de divers collectifs. Un groupe de migrants est déjà parti rejoindre le centre-ville de Reims, pour trouver des douches à l’Armée du salut ou déposer certains enfants à l’école.

Le « Petit Calais » qui s’est installé à l’université de Reims, comme certains l’ont surnommé, est bien loin d’avoir l’ampleur qu’on voudrait lui prêter. Une quinzaine de tentes s’éparpillent sur la pelouse, derrière les bâtiments du campus Croix-Rouge. Quarante-deux migrants y dorment depuis dimanche, selon les derniers décomptes des associations, dont une quinzaine d’enfants. Majoritairement des Albanais, mais aussi des Angolais, Tchétchènes, Arméniens, Guinéens, Géorgiens et Kurdes. « Tous ont effectué une demande d’asile », assure Marc Petitbon de l’UNEF, sous-entendant que ces derniers ont droit à un hébergement, dans l’attente de voir leur dossier traité.

Le campement, installé depuis plus d’un an dans le parc voisin de Saint-John Perse, a migré en urgence sur le campus, craignant l’imminence d’une expulsion demandée par le maire LR, Arnaud Robinet, au préfet de la Marne. Une situation inédite et complexe à gérer pour l’université, alors que la rentrée a déjà eu lieu. Son président, Guillaume Gellé, a pris la décision de fermeture pour des raisons de « sécurité » pour les étudiants, les personnels, mais aussi les migrants. Environ 6 500 étudiants y suivent une formation en droit, économie, sciences sociales, et 1 500 personnels y travaillent. L’université a saisi le tribunal administratif, afin que ce dernier tranche sur les suites à donner. L’audience est prévue mercredi 20 septembre.

« C’est un appel à l’aide auquel nous devons répondre »

Cette fermeture ne manque cependant pas de faire débat chez les universitaires. Si certains estiment que le président s’est retrouvé « piégé » et voient dans cette décision une « bombe atomique » à même de faire enfin bouger les pouvoirs publics, d’autres mettent en avant les valeurs de « solidarité et d’universalisme » de l’université.

Le Syndicat national de l’enseignement supérieur juge que cette présence « discrète » des migrants ne justifiait pas une décision si radicale. Dans une lettre ouverte, une soixantaine d’enseignants-chercheurs interpellent leur président sur une interdiction « disproportionnée et contraire à l’esprit humaniste et d’ouverture qui caractérise l’université ».

« C’est un appel à l’aide auquel nous devons répondre », défend l’enseignant Pierre Dalberto, lors de l’assemblée générale mardi, suivie d’une manifestation jusqu’à la sous-préfecture. Une mobilisation qui fait renaître l’espoir chez les diverses associations citoyennes qui se relaient depuis de longs mois aux côtés des migrants. « On se casse les dents, de rendez-vous en rendez-vous, avec les collectivités, sans jamais qu’elles n’apportent de véritables solutions », témoigne Nathalie Azam, du Collectif 51.

« C’est un cri de désespoir, alors que l’hiver arrive », insiste le président de l’association Saint-Vincent-de-Paul, Hervé Augustin.

La préfecture de la Marne assure faire tout ce qu’elle peut pour reloger, chaque semaine, les nouveaux migrants qui rejoignent le campement. Mardi, trois familles avaient été hébergées depuis l’arrivée à Croix-Rouge, tandis que des mises à l’abri provisoires devaient être trouvées mercredi pour ceux qui restent. Ce qui permettrait d’éviter une évacuation risquée sur un campus universitaire.