Dans son discours à l’Assemblée générale des Nations unies, mardi 19 septembre, Donald Trump a dénoncé, une nouvelle fois, l’accord international sur le nucléaire iranien de 2015 comme « une honte ». « Nous ne pouvons pas respecter un accord s’il sert à couvrir l’éventuelle mise en place d’un programme nucléaire », a déclaré le président américain.

Cet accord a établi, au moins pour dix à treize ans, une mise sous contrôle du programme nucléaire iranien en échange de la levée d’une large part des sanctions économiques adoptées durant dix ans par les Nations unies (ONU), l’Union européenne et les Etats-Unis.

Malgré ces critiques et ces doutes sur l’utilité de l’accord, M. Trump, à ce stade, ne l’a cependant pas rompu. L’administration américaine rappelle que sa politique vis-à-vis de l’Iran n’est pas arrêtée, tout en multipliant les signaux négatifs.

Qu’arriverait-il si les Etats-Unis en venaient aux actes ?

  • Comment les Etats-Unis pourraient-ils se retirer de l’accord ?

M. Trump avait promis, durant sa campagne, de déchirer ce texte signé par son prédécesseur, Barack Obama. Il a précisé ses intentions durant l’été. Le 15 octobre, il aura l’obligation de dire au Congrès américain si l’Iran respecte ou non l’accord, lors d’un passage en revue requis par la loi américaine tous les quatre-vingt-dix jours.

Par deux fois, M. Trump a répondu positivement, manifestement de mauvaise grâce. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) certifie en effet régulièrement que l’Iran respecte ses engagements vis-à-vis des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et de l’Allemagne, signataires de ce texte.

Mais l’administration américaine laisse entendre que l’Iran ne coopère pas suffisamment, et estime que ses essais balistiques, tout comme ses actions jugées déstabilisatrices au Moyen-Orient, violent « l’esprit » de l’accord.

Si M. Trump affirmait, cette fois, que Téhéran ne coopère pas, il reviendrait au Congrès de se prononcer sur la question, et sur l’éventuel rétablissement des sanctions américaines adoptées pour isoler l’Iran jusqu’en 2015. Ce serait la première étape d’une rupture du « deal » nucléaire.

  • Un nouvel accord est-il négociable ?

L’accord n’étant pas un véritable traité ratifié par les parties concernées, une telle rupture unilatérale est envisageable. L’Iran répète cependant, de son côté, qu’il ne renégociera pas un nouvel accord, tout comme les autres signataires.

Une telle remise en cause ouvrirait donc une crise non seulement avec Téhéran mais aussi avec les autres pays qui ont laborieusement négocié ce compromis.

« Techniquement, les Etats-Unis peuvent s’en retirer du jour au lendemain, explique un expert proche du dossier. Mais un tel choix impliquerait pour les Etats-Unis un retour à la case départ avec cette alternative : soit un Iran nucléaire, soit la guerre. »

Mardi, Emmanuel Macron a rappelé à la tribune, à New York, que dénoncer l’accord serait « une lourde erreur ». Le président français a laissé toutefois la porte ouverte à des discussions pour prolonger la portée du texte au-delà de son expiration, en 2025 :

« Notre engagement sur la non-prolifération a permis d’obtenir un accord solide, robuste, qui permet de vérifier que l’Iran ne se dotera pas de l’arme nucléaire. Le dénoncer aujourd’hui sans rien proposer d’autre serait une lourde erreur, ne pas le respecter serait irresponsable, parce que c’est un accord utile, essentiel à la paix. »
  • L’Iran peut-il reprendre ses activités nucléaires ?

L’Iran rappelle avoir la capacité de relancer ses centrifugeuses, pour atteindre rapidement un niveau d’enrichissement égal à celui auquel il avait renoncé en 2015. S’il s’engageait dans cette voie, il romprait à son tour l’accord.

Téhéran répète cependant son intention de le respecter. Il craint notamment, si les Etats-Unis ne se désengageaient pas eux-mêmes, qu’ils ne cherchent à le pousser à la faute. Par exemple en le forçant à refuser, sans raison valable, des inspections de l’AIEA sur ses sites militaires – de telles visites doivent également être justifiées par des soupçons étayés, que d’autres méthodes de contrôle n’auraient pas levés.

  • L’accord peut-il tenir sans les Etats-Unis ?

En principe, si les Etats-Unis se retiraient de l’accord, rien n’obligerait les autres pays signataires à faire de même. L’accord serait estropié, mais il pourrait tenir. Depuis deux ans, Téhéran a commencé à rétablir ses liens économiques avec l’étranger, et notamment avec l’Europe : il estime ne plus pouvoir revenir à sa situation d’isolement de 2015.

« Si les Etats-Unis rétablissaient des sanctions contre des entreprises non américaines, alors l’Europe devrait résister », pour défendre les contrats signés depuis avec l’Iran, estime François Nicoullaud, ex-négociateur français sur le nucléaire iranien. Les groupes français Total et Renault, notamment, ont déjà signé avec Téhéran des engagements de long terme.

  • Quelles négociations possibles avec la Corée du Nord ?

En rompant unilatéralement l’accord, Washington se trouverait isolé. Sa crédibilité en serait affectée, notamment face à la Corée du Nord, l’autre cible majeure du discours de M. Trump à l’ONU. Ce pays dispose déjà de l’arme nucléaire, contrairement à l’Iran, et s’est doté de missiles balistiques nécessaires pour la lancer.

Pyongyang a réalisé 19 tirs de missiles depuis le début de l’année, et 6 essais nucléaires depuis 2006 – le dernier, le 3 septembre. Le régime nord-coréen, qui ne s’oppose pas au principe de négociations, mais qui refuse de renoncer à sa force nucléaire, serait d’autant moins enclin à s’engager sur une éventuelle voie diplomatique s’il constatait que l’accord iranien est si fragile.