Signe de nervosité ou tentative de démobilisation de l’opposition : le texte de révision de la Constitution sur l’âge limite pour participer à la présidentielle, qui devait être présenté au Parlement jeudi 21 septembre, a finalement été reporté sine die. Après cette nouvelle, des députés de l’opposition sont sortis de l’Hémicycle, en chantant et arborant des bandeaux rouges. C’est l’épilogue rocambolesque d’une journée assez tendue à Kampala, qui a commencé tôt, sur le campus de Makerere. Quelques centaines d’étudiants ont tenté d’organiser une manifestation pour protester contre cette mesure, susceptible de permettre au président Museveni, 73 ans, de se représenter à vie.

Très vite, les esprits se sont échauffés et quelques leaders ont été arrêtés. Jets de pierres contre gaz lacrymogènes, fuite désorganisée face aux charges de la police militaire, puis regroupement et nouveau départ aux cris de « Nous voulons du choix, Museveni n’est pas notre roi ! ». Ce jeu du chat et de la souris a duré une bonne partie de la journée. Les forces de l’ordre avaient visiblement pour objectif de contenir les étudiants au sein du campus pour les empêcher de marcher vers le Parlement.

Au même moment, le rassemblement prévu par le maire de Kampala, Erias Lukwago, figure de l’opposition, a tourné court. L’édile a été arrêté à la sortie de sa résidence puis conduit à un poste de police. L’opposant historique à Museveni, Kizza Besigye, a lui été une nouvelle fois assigné à résidence. Devant le Parlement, Norbert Mao, le président du Parti démocratique, a été interpellé et emmené dans un véhicule de police.

« Personnes à l’esprit criminel »

Quant au nouveau prodige de la politique ougandaise, le député rappeur Bobi Wine, il ne pouvait participer au mouvement, étant en déplacement à New York. Mais il a largement pris part au débat, en diffusant sur ses comptes Facebook et Twitter un discours enregistré dénonçant le projet de loi. Invoquant le texte de la Constitution et Bob Marley, il n’a pas hésité à fustiger les parlementaires « traîtres » qui soutiennent cette mesure « anti-patriotique », assurant que leur nom est inscrit « sur le mur national de la honte ».

Sur le campus de Makerere, à Kampala, le 21 septembre 2017, les étudiants ougandais manifestent contre le projet de loi de suppression de l’âge limite pour être candidat à la présidence du pays qui doit être présenté au Parlement le même jour. / Gaël Grilhot

Le dispositif policier et militaire s’est largement renforcé ces derniers jours à Kampala, avec le positionnement, notamment, de camions anti-émeutes. Les petites tentes servant à abriter les forces armées de façon temporaire, omniprésentes durant la dernière présidentielle, ont refait leur apparition dans le centre-ville. Dans la soirée de mercredi, les forces de l’ordre ont investi les locaux de l’ONG Action Aid, qui avait émis des propos critiques à l’encontre de la modification de la Constitution. Une opération liée selon la police, à « des transferts illicites de fonds pour soutenir des activités illégales », l’organisation étant soupçonnée de soutenir financièrement les adversaires de la réforme.

L’affaire a pris depuis un tour diplomatique avec la publication, jeudi, d’un communiqué cinglant de l’ambassadrice des Etats-Unis, Deborah Malac. « Nous sommes troublés par des signalements d’attaques contre les ONG, affirme-t-elle. Avant d’ajouter : les atteintes aux droits protégés en vertu de la Constitution ougandaise entraveront le développement du pays. » Le porte-parole du gouvernement Ofwono Opondo lui a répondu sur le même ton : « Le gouvernement d’Ouganda ne ménagera pas ses efforts pour (…) neutraliser rapidement les personnes à l’esprit criminel, y compris des leaders politiques qui estiment avoir une protection mal intentionnée de la part de missions étrangères. »