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London Spy | otherwise how do you know?
Durée : 01:37

Danny (Ben Whishaw, le « Q » des derniers James Bond), jeune et charmant manutentionnaire aux allures d’adolescent attardé, est un oiseau de nuit. On fait d’ailleurs sa connaissance au petit jour, au sortir d’un club londonien. Alors qu’il ne parvient pas à joindre des amis pour un possible « after », qu’on imagine consacré à la drogue ou au sexe, voire aux deux, il fracasse rageusement son téléphone portable sur le pavé et attire l’attention d’un jeune joggeur.

Fasciné et séduit par cette rencontre, Danny retrouve, un autre matin, au même endroit, le jeune homme (Alex, joué par l’énigmatique et taiseux Edward Holcroft) et lui dit sans ambages qu’il est des choses qui doivent être dites à moins de le regretter à jamais. L’intérêt étant réciproque, les deux jeunes gens deviennent amants.

Alex – dont la suite nous apprend qu’il s’appelle en fait Ali­stair, un prénom qu’il déteste – n’est pas sorti du placard et s’est même, révèle-t-il à son compagnon, tenu à l’écart de toute vie amoureuse et (homo)sexuelle. Leur relation devient pourtant torride mais tourne court : dès la fin du premier épisode, Alex disparaît.

Ben Whishaw dans « London Spy », série créée par Tom Rob Smith. / UNIVERSAL - PUMA/DES WILLIE

On serait tenté de ne pas en dire davantage. Mais puisqu’on découvre vite, lors du premier épisode, qu’Alex est mort, au cours de ce qui semble être une séance de sado-masochisme qui aurait mal tourné, autant le dire ici. C’est d’ailleurs ce fait qui fait réellement démarrer le propos et progresser son développement, promis à d’étonnants rhizomes.

Danny, interrogé par la police, est le premier suspect et le coupable idéal. Il comprend bientôt, grâce à l’aide de Scottie (Jim Broadbent), un ami senior, ancien espion débarqué du métier qu’il a rencontré naguère dans un bar alors qu’il vivait des moments de dérive ­personnelle, qu’il est au centre d’une machination subtilement orga­nisée au plus haut des services ­secrets britanniques.

Impeccable Charlotte Rampling

Alex – qui s’était présenté à Danny comme jeune banquier d’affaires – était-il un agent secret qui dérangeait sa hiérarchie ou d’autres puissances du réseau d’espionnage international ? Quel rôle ont joué ses parents, ­riches châtelains que Danny rencontre au long d’une quête vers la vérité, notamment sa mère, hautaine et marmoréenne (jouée par l’impeccable Charlotte Rampling, à qui ce rôle va comme un gant de cuir glacé) ?

L’autre fil que dévide London Spy, créée par le romancier et scénariste Tom Rob Smith, est la relation ambiguë qui lie Danny et son ami Scottie. Finement jouée, elle rappellera celle entretenue par les personnages de Philippe Noiret et Manuel Blanc dans le film J’embrasse pas (1991),d’André Téchiné.

An unusual seduction - London Spy: Episode 1 Preview - BBC Two
Durée : 01:48

Thriller psychologique en cinq parties, London Spy croise des eaux incertaines et inquiétantes, peuplées de mystères et de chicanes intrigantes. Son propos est inspiré d’un fait réel, la dis­parition, en 2010, de Gareth Williams, un jeune surdoué du décodage qui travaillait pour le compte du MI6, l’office de renseignement britannique.

Malheureusement, trop de mystère tuant le mystère, la fin de London Spy se prend un peu les pieds dans une complexité inutile, mais l’ensemble reste d’une formidable qualité. La BBC avait souhaité que Tom Rob Smith conçoive une suite à ces épisodes. Proposition qu’a sagement déclinée l’auteur en s’expliquant à cet égard dans un entretien de 2016 accordé au quotidien britannique The ­Guardian.

London Spy, série créée par Tom Rob Smith. Avec Ben Whishaw, Jim Broadbent, Edward Holcroft, Samantha Spiro, Charlotte Rampling (R.-U., 2015, 5 × 59 min).