Le parquet a requis cinq ans de prison, dont un avec sursis, vendredi 22 septembre, contre le militant antifasciste Antonin Bernanos, 23 ans, sans doute le prévenu le plus médiatisé, dans l’affaire d’une voiture de police brûlée en mai 2016 à Paris, lors des manifestations contre la loi El Khomri.

Le procureur a décrit l’étudiant en sociologie, arrière-petit-fils de l’écrivain Georges Bernanos, comme « très impliqué dans des actions antifascistes ».

Il a souligné que le jeune homme « contestait farouchement » être celui qui frappe un policier assis dans sa voiture et fracasse la lunette arrière avec un plot métallique lors de l’attaque quai de Valmy, à Paris, dont la vidéo est devenue virale. Pour le parquet, au contraire, un « faisceau » d’indices le désigne, allant de la couleur de son caleçon aux cernes sous ses yeux, en passant par la marque de ses chaussures.

Pour le ministère public, le jeune homme, qui ne « se remet pas en cause », présente « clairement un risque de réitération ». En récidive légale, puisqu’il avait été condamné en 2013 pour des « violences aggravées », Antonin Bernanos risque, en théorie, jusqu’à vingt ans de prison.

Jusqu’à huit ans de prison

A l’encontre des huit autres personnes poursuivies, le parquet a requis des peines graduées en fonction de leur implication.

Un an d’emprisonnement avec sursis pour le délit de « groupement formé en vue de commettre des violences » a été requis contre trois jeunes hommes – dont le frère cadet d’Antonin Bernanos, Angel Bernanos. Ce délit a été créé en 2009 à l’initiative de l’actuel maire Les Républicains de Nice, Christian Estrosi.

Les deux représentants du parquet qui se partagent le réquisitoire ont ensuite demandé un an de prison ferme, aménageable, contre Thomas Richaud, qui a donné des coups de pied et de poing dans le véhicule.

Contre Kara Brault et Ari Rustenholz, qui ont frappé le véhicule à coups de plot métallique, respectivement deux et quatre ans de prison ferme ont été requis.

L’homme suspecté d’avoir incendié la voiture ne s’est jamais présenté devant la justice

Enfin le procureur a requis la peine la plus lourde, huit ans de prison ferme, contre Joachim Landwehr. Ce Suisse, rentré en France peu avant le 18 mai 2016, a ensuite pris la fuite et ne s’est jamais présenté devant la justice française. L’interdiction de manifester pendant trois ans à Paris a été requise contre ces huit accusés.

De plus, le parquet a demandé que Kara Brault, de nationalité américaine, soit interdite de territoire français pendant trois ans. Le procureur a également requis cinq ans de prison, dont deux avec sursis, contre Thomas Fensch, qui a frappé un policier avec une barre métallique, ce qu’il a reconnu.

Le représentant du ministère public a souligné un « acte clair de contrition » de la part de ce dernier lors de l’audience. Estimant qu’il n’y avait pas de « risque de réitération », il a souligné qu’en prenant en compte l’année passée en détention provisoire, cette peine était aménageable.

« Réquisitions incroyablement excessives »

Les audiences ont été houleuses depuis mardi. Les soutiens des prévenus, groupés à l’extérieur de la salle, ont scandé : « Tout le monde déteste la justice » ou « Flics violeurs assassins ». Des journalistes ont aussi été pris à partie.

Prenant la parole le premier pour la défense, Me Henri Leclerc, ancien président de la Ligue des droits de l’homme et avocat d’Angel Bernanos, a attaqué des « réquisitions incroyablement excessives ». Il s’en est pris au délit de « groupement », qui s’inscrit, selon lui, dans la lignée des diverses « lois scélérates » venues nier la liberté d’expression au fil de l’histoire française.

« La République est par nature antifasciste », a lancé Me Leclerc. L’avocat a également plaidé pour la défense de son client, qui avait cet âge au moment de son interpellation : « Si à 18 ans on ne rêve pas d’un monde plus juste, quand le fera-t-on ? »

Le procureur a rejeté la thèse d’un procès politique. En introduction, il avait parlé d’un « procès de casseurs » et avait demandé, en reprenant, selon lui, la rhétorique de l’ultragauche : « Où se trouvent les fascistes et les extrémistes quand on combat la police, la justice, les journalistes ? »