Alors que la ministre de la santé, Agnès Buzyn, s’apprête à annoncer la manière dont elle entend orchestrer le passage de trois à onze vaccins obligatoires chez les enfants de moins de 2 ans, la bataille judiciaire se poursuit. L’avocate Jacqueline Bergel, dont l’action menée au nom de l’Institut pour la protection de la santé naturelle a précipité malgré elle le calendrier de l’extension vaccinale, a déposé une requête devant le Conseil d’Etat, le 15 septembre. Elle demande la condamnation de l’Etat pour non-respect de la décision qui l’oblige à rendre le vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP), accessible en pharmacies.

Le 8 février, à la suite d’une requête déposée par cette spécialiste du droit immobilier, le Conseil d’Etat exigeait du ministère qu’il rende disponibles à la vente des vaccins correspondant aux seules valences obligatoires (le DTP) et non plus combinés avec d’autres comme c’est le cas actuellement des hexavalents qui protègent contre six maladies. L’Etat avait six mois pour s’y conformer. Le 8 août est arrivé, rien ne s’est passé. Le DTP seul n’existe pas, ce qui prive les parents de la liberté de vacciner leurs enfants avec les seuls vaccins obligatoires.

« Exception française »

Ne voyant toujours rien venir, Me Bergel a déposé cette requête dans laquelle elle demande la condamnation de l’Etat pour non-exécution de la décision, et le versement d’une astreinte à raison de 15 euros par jour de retard et par personne. Ils étaient quelque 3 000 demandeurs à mener l’action initiale. Trois cents personnes demandent aujourd’hui l’exécution du jugement. D’autres pourraient les rejoindre.

Ce type de demande, peu fréquent, suit un circuit particulier au Conseil d’Etat. C’est la délégation à l’exécution d’une décision de justice qui s’en charge. Une fois celle-ci saisie, avant que des juges le soient, un dialogue s’engage avec l’administration concernée. C’est seulement s’il est infructueux que la section du contentieux se réunit et peut décider de condamner l’Etat.

Dans le cas présent, si le Conseil d’Etat interroge sur la raison pour laquelle le DTP seul reste introuvable, le ministère devrait répondre ce qu’il répète depuis plusieurs semaines : la décision prise cet été de passer de trois à onze vaccins obligatoires, qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2018, répond à l’injonction de rendre disponibles à la vente les seuls vaccins obligatoires.

L’alternative du gouvernement pour être en conformité avec la décision du 8 février aurait été de faire passer les trois vaccins dans la catégorie « recommandés », et non plus obligatoires. Mais, « compte tenu du risque de faire baisser significativement la couverture vaccinale, il n’était pas dans l’intérêt général ni de la santé publique de rendre tous les vaccins seulement recommandés », explique le ministère. Ce double système – vaccins obligatoires, vaccins recommandés – est « une exception française », ajoute Matignon, dans un courrier adressé fin août à Me Bergel, et « pose un réel problème de santé publique, car il se traduit par des taux de couverture très inférieurs au niveau nécessaire pour prévenir les épidémies ».