A la voir juchée sur ses escarpins, taille mannequin et sourire radieux, le regard qui s’égare parfois dans une contemplation, on a du mal à l’imaginer menant un combat. Et pourtant. « Je tire mon énergie vitale de mon amour pour le Bénin », commence-t-elle une fois son esprit revenu au Teranga, un fast-food de la Haie-Vive, quartier de Cotonou où nous avons rencontré Marie-Madeleine Akrota, alias Mylène Flicka.

Plume acérée et sens de la formule : son premier fait d’armes remonte à mai 2015. Sur son blog, la jeune femme règle alors son compte à l’homme politique béninois Edgard Guidigbi, « ce fils de femme », lui rétorque-t-elle, qui avait écrit sur Facebook être « hostile au travail salarié des femmes ». Elle a 19 ans.

En avril 2016, quelques jours après l’investiture de Patrice Talon, le nouveau président du Bénin, la téméraire lance la campagne #GiveMeMyCredit pour permettre aux photographes et autres créatifs de conserver la propriété intellectuelle de leurs œuvres. Cette campagne est lancée après qu’un photographe a été rudoyé par la garde républicaine pendant qu’il prenait en photo la première dame. Pourtant, son cliché s’était retrouvé, quelques jours plus tard et sans aucune mention de son nom, sur le compte Facebook de Mme Talon.

La plume de Mylène Flicka peut aussi se faire féministe rebelle, façon MLF des années 1970 : il y a quelques mois, elle a lancé la campagne #FreeMyBoobs (littéralement « libérez nos nichons ») pour délivrer les femmes du sacro-saint soutien-gorge.

Porter le flambeau d’une génération

Née au Bénin en 1996, c’est à 14 ans que Marie-Madeleine, marquée par l’adaptation en feuilletons du roman de Mary O’Hara Mon amie Flicka, une jument outsider qui gagne une course grâce à son tempérament de feu, adopte son pseudonyme en créant son compte Facebook. La jeune femme est pressée, à l’instar d’une génération impatiente de l’avenir et volubile sur des réseaux sociaux alors encore confidentiels.

Son compte Facebook, présent sur tous les débats de fonds liés à la vie socio-économique et culturelle du Bénin, devient vite célèbre dans la sphère du Web africain. Ainsi, dans son recueil de nouvelles en ligne Founmi, elle s’attaque aux atteintes aux droits des femmes, aux différents problèmes du Bénin, et présente l’Afrique telle qu’elle la rêve.

La progression de son audience va coïncider avec l’émergence d’un mouvement, présent surtout sur les réseaux sociaux, comprenant de jeunes entrepreneurs, des blogueurs et militants du web qui décident de faire quelque chose par eux-mêmes pour améliorer la vie dans leur pays.

En 2015, avec l’argent de sa bourse étudiante, Mylène Flicka crée le site Irawo – qui signifie « étoile » en nago, une langue du Bénin – dans le but de dénicher et de promouvoir les initiatives et personnes innovantes au Bénin et sur le reste du continent, mais, surtout, pour donner des modèles aux jeunes. Avec ce média en ligne, la blogueuse se mue en chasseuse de talents : « Nous avons décidé de mettre sur pied un média qui parle de l’Afrique qui bouge à travers ses jeunes talents. C’est comme ça que nous pensons qu’on peut créer du rêve et l’envie de faire des choses. Les médias locaux ne parlent que de politique. Il n’y a rien pour motiver la jeunesse. »

La particularité de ce média est sa capacité à utiliser les réseaux sociaux pour toucher une audience perdue par les médias traditionnels : la fameuse génération Y. Et ça marche : Irawo devient incontournable dans le paysage médiatique africain. Son équipe, composée aujourd’hui de quinze personnes, met dans la lumière de nombreuses pépites béninoises, telle la sprinteuse Noélie Yarigo. Et sa chef d’équipe met en place des formations en communication.

Changer les mentalités par l’écriture

Mais Mylène Flicka poursuit son propre rêve d’enfance : devenir écrivain. Vivre de sa plume comme Chimamanda Ngozi Adichie, qu’elle admire, ou comme Nietzsche, à qui elle voue un culte : « Je l’ai connu en cours de philosophie lorsque, en terminale, on a parlé de Dieu et de son célèbre Dieu est mort. J’ai décidé de lire Le Gai Savoir alors que j’étais en stage au ministère des affaires étrangères du Bénin. Le stage me tuait et Nietzsche me rendait la vie. Je le comprenais facilement. Il est devenu un repère. »

Pour Mylène Flicka, grande lectrice, écrire est le moyen le plus efficace pour changer les mentalités – puis le monde, par ricochets. Un chemin ascensionnel en lettres libres.