Les députés se penchent, à partir de lundi 25 septembre, sur le projet de loi sécurité intérieure, qui entérine plusieurs dispositions prises lors de l’état d’urgence, au grand dam de nombre de magistrats, d’universitaires et les associations de défense des droits de l’homme.

Seul texte au menu de la session extraordinaire, le projet de loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme », que le Sénat avait restreint, doit permettre, selon le gouvernement, « une sortie maîtrisée de l’état d’urgence » en vigueur depuis les attentats du 13 novembre 2015 et prolongé une sixième fois en juillet jusqu’à la fin du mois d’octobre.

« La France ne peut vivre continûment sous un régime d’exception qui nuit à son rayonnement » et aura duré plus longtemps que pendant la guerre d’Algérie, défend le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb. Mais, comme « la menace reste forte », avec « douze attentats déjoués depuis le début de l’année », le projet de loi en reprend « les mesures les plus efficaces », selon lui.

Mesures davantage encadrées

Ces mesures seront ciblées sur les individus soupçonnés de liens ou sympathie avec la mouvance terroriste, et davantage encadrées. Elles ne pourront plus être utilisées dans un but d’ordre public, comme sous l’état d’urgence où des manifestants présumés violents ont été assignés à résidence pendant la COP21 ou les défilés contre la loi travail.

Le ministre pourra toujours assigner des individus (contre lesquels il n’a pas assez d’éléments pour les poursuivre en justice), mais dans un périmètre au minimum égal au territoire de la commune, au lieu du seul domicile. La personne assignée devra se présenter à la police une fois par jour et remettre ses numéros de téléphone et identifiants électroniques.

Le préfet pourra continuer à ordonner des perquisitions (rebaptisées « visites »), mais avec l’aval du juge judiciaire. Il pourra ordonner la fermeture de lieux de culte pour six mois et décider de périmètres de protection avec des inspections et filtrages autour d’événements (concerts, marchés de Noël, etc.) susceptibles d’être exposés à un risque terroriste.

Inquiétude des défenseurs des droits de l’homme

Les magistrats, les universitaires et les associations de défense des droits de l’homme sont très nombreux à dénoncer une dangereuse contamination du droit commun par le droit d’exception.

« Des mesures prévues dans le cadre du régime dérogatoire de l’état d’urgence, conçu comme une suspension temporaire des droits et libertés garantis par la Constitution, se voient aggravées et pérennisées par leur inscription dans le droit ordinaire, affectant gravement le régime français des libertés et droits fondamentaux », écrit la CNCDH dans un avis voté par son assemblée générale.

Texte « insuffisant » ou « début de démocrature »

En commission à l’Assemblée nationale, la majorité a largement soutenu et rétabli le projet de loi initial du gouvernement, restreint partiellement au Sénat en juillet. Quelques réserves ont cependant surgi, comme celle d’Alain Tourret (La République en marche) s’inquiétant de « l’empilement » des lois antiterroristes ces dernières années.

S’il juge le texte « équilibré », le MoDem demande l’aval du juge judiciaire pour les prolongations d’assignation (renouvelable tous les trois mois dans une limite d’un an).

Ce texte ne suffira, cependant, pas aux Républicains, sur une ligne plus sécuritaire que leurs homologues du Sénat, qui dénoncent « un projet de loi abaissant le niveau de protection des Français ».

Contre la suppression de l’état d’urgence, Guillaume Larrivé et Eric Ciotti, soutiens de Laurent Wauquiez pour la présidence du parti, défendront « une contre-loi pour le renforcer ». Comme sous le quinquennat Hollande, le duo proposera notamment « l’internement préventif des fichés S les plus radicalisés », même si le Conseil d’Etat a estimé que ce serait inconstitutionnel.

Absent en commission, le FN entend passer « à l’offensive » en séance contre un texte « insuffisant » revenant à un « manuel de politesse » aux terroristes, selon Sébastien Chenu.

A l’autre bout de l’hémicycle, « insoumis » et communistes combattront « une forme d’état d’urgence permanent » menaçant, selon eux, les libertés individuelles. « Nous voulons sortir de l’état d’urgence et pas, en même temps, y rester », selon Ugo Bernalicis (LFI), évoquant « un début de démocrature ».

« Constructifs », comme socialistes de Nouvelle Gauche, soutiendront, avec quelques amendements, un texte « utile ».