Lors des obsèques de Roh Moo-hyun, en mai 2009. / PARK JI-HWAN/AFP

L’un des plus gros cartons de l’année du cinéma sud-coréen ? Un documentaire consacré à un homme politique. Sorti dans 775 salles du pays, Roh Moo-hyun ipnida (« notre président Roh Moo-hyun ») a attiré 1,9 million de spectateurs depuis sa sortie en salle, en mai. Roh Moo-hyun présida le pays entre 2003 et 2008, avant de se suicider, en 2009, en sautant d’une falaise, après avoir été mis en cause dans une affaire de corruption. Plus qu’une analyse, le documentaire de Lee Chang-jae se veut surtout un hommage. Pourtant, le cinéaste, né en 1967, n’est pas connu pour avoir été proche du progressiste Roh Moo-hyun. « Au contraire, à cette époque, il était plutôt conservateur », s’amuse une de ses connaissances. Si l’intéressé ne le nie pas, il avoue avoir ressenti une « profonde tristesse » à l’annonce du suicide de M. Roh.

Le film, patchwork de témoignages, raconte l’étonnante ascension de cet homme politique – élu en décembre 2002, il entre en fonctions en février 2003 –, alors qu’au début de la campagne son Parti démocratique du millénaire ne dépassait pas les 2 % d’opinions favorables. Trente-neuf personnes interviennent. Comme Lee Hwa-choon, un membre des services secrets chargé de le surveiller, qui deviendra son ami. « Sa voix claire et sonnante, ses jurons, ses blagues. Je n’oublierai jamais tout cela », raconte-t-il.

Le réalisateur a également obtenu le témoignage de l’actuel président, Moon Jae-in, sans doute l’ami le plus proche de Roh Moo-hyun, les deux hommes ayant lutté ensemble dans les années 1980 contre la dictature. Moon Jae-in, qui avait travaillé en étroite collaboration avec Roh Moo-hyun pendant sa présidence, affirme s’être lancé dans la course électorale pour restaurer l’honneur de son ami défunt. Ces témoignages sont entrecoupés d’extraits de discours passionnés de ce dirigeant connu pour sa franchise, sa générosité et son charisme.

Un contexte porteur

Le succès rencontré par « Notre président » doit beaucoup au contexte politique du pays : la mobilisation de millions de Sud-Coréens, dès l’automne 2016, pour obtenir la destitution de la présidente conservatrice Park Geun-hye.

En cause : son implication dans le « Choigate » (un scandale de trafic d’influence). Cet événement, tout comme l’élection du progressiste Moon Jae-in, au mois de mai suivant, ont créé un climat favorable pour le film. Mais Lee Chang-jae et les producteurs de CGV Arthouse nient avoir choisi leur moment. « La distribution n’a pas été décidée brutalement avant l’élection présidentielle », explique-t-on à la société de production. « Nous avions choisi de faire ce film en avril 2016 », ajoute le réalisateur.

La bande-annonce du film, en coréen

Le sujet Roh Moo-hyun est en tout cas toujours porteur. En 2013, The Attorney, film de fiction réalisé par Yang Woo-suk, déjà produit par CGV et inspiré de la lutte pro-démocratique de l’ancien président, avait connu un énorme succès. À sa sortie, il avait suscité la colère de la Maison Bleue (la présidence sud-coréenne), alors occupée par Park Geun-hye. La chef de l’État n’avait pas apprécié la tonalité progressiste du film. Des pressions avaient été exercées sur le conglomérat CJ, maison mère de la société de production CGV, pour que les responsables du projet soient renvoyés.