Difficiles négociations pour Angela Merkel
Difficiles négociations pour Angela Merkel
Le Monde.fr avec AFP
La chancellière allemande doit constituer une coalition au sein du Parlement, où l’extrême droite vient de réaparaître pour la première fois depuis 1949.
Angela Merkel dans son quartier général de Berlin, le 25 septembre. / Michael Kappeler / AP
Après avoir pris acte d’une victoire qu’elle espérait « un peu meilleure » aux législatives allemandes, Angela Merkel doit s’atteler à la difficile composition d’une coalition au sein d’un Parlement où l’extrême-droite occupe désormais la troisième place.
La chancelière a annoncé lundi 25 septembre qu’elle entamerait dès que possible des discussions avec les libéraux du FPD et les écologistes des Grünen, mais aussi avec les sociaux-démocrates du SPD, ses anciens partenaires de coalition qu’elle a invités à revenir sur leur décision de rejoindre les rangs de l’opposition. Peu de progrès sont cependant attendus avant l’élection dans le Land de Basse-Saxe, le 15 octobre.
Sanctionnés pour leur politique d’accueil des réfugiés, les chrétiens-démocrates (CDU) d’Angela Merkel et les chrétiens-sociaux (CSU) ont remporté 33 % des suffrages, score en retrait de 8,5 points par rapport aux législatives de 2013, et à leur plus faible niveau depuis la fondation de la RFA en 1949.
La CDU-CSU reste toutefois le premier parti au Bundestag, et, comme l’a souligné Angela Merkel, aucune coalition n’est possible sans le bloc conservateur.
Lors d’une conférence de presse lundi, la chancelière a affiché clairement son intention d’aller au bout de son quatrième mandat consécutif de quatre ans. « Ma décision (de briguer un quatrième mandat) l’an dernier ne dépendait pas du pourcentage que j’obtiendrai », a-t-elle dit en soulignant qu’elle avait entamé sa campagne électorale « sans illusions » quant aux difficultés qui l’attendaient.
Le choc AFD
Avec ses 33 %, la CDU/CSU peut compter sur 246 sièges. Le SPD, avec ses 20,5 % (contre 25,7 % en 2013) obtient 153 sièges, dans un Bundestag qui en comptera au total 709, contre 631 dans la chambre basse élue en 2013. Vient en troisième position AfD avec 12,6 %, ce qui lui vaudra 94 sièges. Le parti d’extrême-droite est suivi par le FDP (10,7 %), qui aura 80 sièges. Le Parti de gauche (Linkspartei), avec 9,2 %, contrôlera 69 sièges et les Verts, qui ont rallié 8,9 % des suffrages, 67 sièges. Le taux de participation a été de 76,2 %.
Une coalition à trois avec FDP et Grünen pourrait se révéler instable, une incertitude susceptible d’inquiéter les investisseurs, tout comme la perspective de longues tractations à même de détourner l’attention des négociations en cours entre Londres et Bruxelles sur le Brexit.
L’économiste en chef de l’institut de recherche économique Ifo, Klaus Wohlrabe, n’exclut pas la tenue d’un nouveau scrutin, si les partis politiques n’arrivent pas à s’entendre.
Le premier choc du scrutin reste l’entrée au Bundestag de l’extrême-droite, une première depuis la Seconde Guerre mondiale. En 2013, ce parti tout nouvellement formé avait frôlé sans l’atteindre (avec 4,8 %) la barre des 5 % nécessaires pour avoir des élus à la chambre basse. L’entrée « de l’AFD au Bundestag est nuisible à notre pays », a jugé le chef de la confédération des associations patronales allemandes BDA, Ingo Kramer. « Les autres partis ont désormais la tâche d’acculer l’AFD dans les débats parlementaires directs. »
FPD et Verts prêts pour une coalition Jamaïque
Martin Schulz a redit lundi que son parti rejoignait l’opposition et ne ferait plus partie de la coalition de gouvernement après le verdict cuisant des urnes, pire score jamais enregistré à des législatives par les sociaux-démocrates depuis 1933. « J’ai entendu les propos du SPD », a déclaré Angela Merkel. « Je pense cependant que nous devrions rester en contact. Je pense que tous les partis ont la responsabilité d’assurer que nous aurons un gouvernement stable. »
Une coalition « Jamaïque » (noir pour la CDU-CSU, jaune pour les libéraux, vert pour les Grünen) est susceptible d’être fragilisée par les vues diamétralement opposées des formations sur certains sujets cruciaux : les réfugiés, la politique fiscale ou l’Europe.
Si les écologistes ont affirmé dès dimanche soir qu’ils étaient toujours favorables à une « Europe plus forte », en revanche le FDP refuse toute nouvelle mesure en faveur de l’intégration européenne de l’Allemagne, et pourrait donc compromettre le projet de relance du moteur franco-allemand d’Emmanuel Macron.
Le chef de file des Libéraux, Christian Lindner, a redit quant à lui lundi qu’il était prêt à des négociations avec les conservateurs en vue de former une coalition, mais cela sous certaines conditions.
Pas de lignes rouges sur l’Europe
Christian Lindner s’est montré hostile pendant la campagne à certains projets de réforme de la zone euro du président français Emmanuel Macron, évoquant des « lignes rouges » que constituent pour lui un budget de la zone euro ou une union bancaire.
Interrogée lors de sa conférence de presse sur ses intentions concernant l’Europe, Angela Merkel a répondu : « Je ne vais rien exclure ni tracer des lignes rouges ».
Les questions européennes joueront un rôle dans les négociations sur la formation de la nouvelle coalition gouvernementale, qui pourraient durer plusieurs mois, mais « on ne peut pas dire aujourd’hui : “Ceci marche et pas cela”. Nous allons devoir parler avec le FDP », a ajouté la chancelière.
A Paris, on assure que les projets qu’Emmanuel Macron doit détailler mardi n’ont pas changé du fait du résultat des élections allemandes.