Frauke Petry, coprésidente de l’AfD, quitte la conférence de presse de son parti, à Berlin, le 25 septembre 2017. / Markus Schreiber / AP

Berlin, lundi 25 septembre. Conférence de presse d’Alternative pour l’Allemagne (AfD). La veille, le parti d’extrême droite a créé un choc dans le pays en obtenant 12,6 % des voix aux élections législatives. A leur arrivée, Alexander Gauland et Alice Weidel, les deux chefs de file de la campagne, mais aussi Jörg Meuthen et Frauke Petry, les deux coprésidents du parti, affichent de grands sourires. Ils peuvent. L’AfD n’a que quatre ans d’existence. C’est désormais la troisième force politique du pays.

A la tribune, les sourires vont pourtant vite se transformer en grimaces quand Mme Petry déclare que l’AfD n’est pas seulement un « parti d’opposition » mais qu’il a aussi « vocation à gouverner ». A ses côtés, ses trois collègues encaissent. Certes, ils défendent une autre vision, nettement plus radicale. Mais ils estiment que le moment n’est pas le bienvenu pour étaler leurs désaccords. Mme Petry, elle, est d’un autre avis.

« Après mûre réflexion, j’ai donc décidé de ne pas siéger dans le groupe de l’AfD au Bundestag, et c’est la raison pour laquelle je vais maintenant quitter cette salle. » La surprise est totale. En une phrase, Mme Petry a rappelé une réalité que le succès électoral de la veille avait fait oublier : l’AfD est un parti fracturé, où s’affrontent des lignes très différentes et dont la plupart des dirigeants se détestent tellement qu’ils ont renoncé depuis longtemps à faire croire le contraire.

Scission inévitable

Quelles seront les conséquences de ce coup d’éclat ? A l’évidence, l’avenir de Mme Petry au sein de l’AfD est compromis. Difficile, en effet, d’imaginer la présidente d’un parti siéger en dehors de son groupe parlementaire. Après la sortie de celle qui était, il y a encore quelques mois, une de ses alliées, Mme Weidel a donné le ton : « Après le coup d’éclat de Frauke Petry, qui surpasse tout ce qu’on peut imaginer en termes de manque de responsabilité, j’exige qu’elle quitte le parti, afin de ne plus lui causer davantage de torts », a déclaré la figure montante de l’AfD, candidate à la présidence du groupe au Bundestag. Après elle, d’autres responsables du parti ont également demandé le départ de Mme Petry.

Selon une enquête de la Süddeutsche Zeitung et des chaînes NDR et WDR, parue lundi après-midi et fondée sur la consultation de documents internes, la décision de Frauke Petry a été mûrement pesée. Constatant sa marginalisation de plus en plus grande face aux plus radicaux de son parti, soutenus par M. Gauland et Mme Weidel, la coprésidente de l’AfD considérait, depuis plusieurs semaines, qu’une scission est inévitable.

Mais Frauke Petry a-t-elle les moyens de ses ambitions ? Autrement dit, peut-elle espérer, en quittant le tout nouveau groupe de l’AfD au Bundestag, en constituer un autre de son côté ? Quoi qu’il en soit, il est certain que l’unité du groupe AfD est fragile. Parmi ses 94 – désormais 93 – membres, une vingtaine est connue pour des positions très radicales, comme l’élu du Bade-Wurtemberg, Jens Maier, proche des identitaires, ou Wilhelm von Gottberg, élu de Basse-Saxe, qui a autrefois déclaré que « l’Holocauste est un instrument efficace de criminalisation des Allemands et de leur histoire ». Face à ce groupe d’une vingtaine d’élus ouvertement d’extrême droite, une trentaine défend une ligne plus modérée qui, sur le fond, rejoint celle de Mme Petry, le reste du groupe étant constitué de députés plus inclassables.

Mener une « opposition constructive »

Sachant qu’il faut au moins 5 % des députés du Bundestag pour constituer un groupe, soit 36 élus dans la nouvelle assemblée, le pari de Mme Petry n’est pas impossible. Du moins en théorie car il n’est pas sûr que son isolement actuel soit de nature à attirer de nombreux élus qui peuvent avoir plus d’intérêt à siéger avec les vainqueurs de dimanche.

A défaut de créer un groupe dissident au Bundestag, la décision de Frauke Petry pourrait en revanche contribuer à faire éclater l’AfD à d’autres échelons. Depuis cet été, les militants de plusieurs Länder ont constitué un courant, baptisé Alternative Mitte (l’alternative du centre), qui vise à contrebalancer l’influence de Björn Höcke, le responsable de l’AfD en Thuringe, figure de proue de l’aile radicale du parti, qui a suscité la polémique, en janvier, en affirmant que le Mémorial de l’Holocauste de Berlin était « un monument de la honte ».

Lundi, la création d’un groupe AfD dissident a également été annoncée au Parlement régional de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, où le conflit entre « modérés » et « radicaux » couvait. Avant de mener l’« opposition constructive » qu’ils ont promis d’incarner, dimanche soir, contre Mme Merkel, M. Gauland et Mme Weidel pourraient avoir à faire face, au sein de leur parti, à une opposition grandissante.

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