Manifestation contre le décret anti-immigration le 29 juin à New York. / EDUARDO MUNOZ ALVAREZ / AFP

De nouvelles batailles judiciaires se profilent aux Etats-Unis autour du dernier décret anti-immigration de Donald Trump, accusé lundi 25 septembre de continuer de cibler de façon discriminatoire les musulmans.

Nettement plus radical, le nouveau texte présenté dimanche soir par la Maison Blanche interdit de façon permanente le franchissement des frontières américaines aux ressortissants de sept pays, en se justifiant par la sécurité nationale.

Sont concernés le Yémen, la Syrie, la Libye, l’Iran, la Somalie, plus la Corée du Nord et le Tchad, rajoutés à la liste précédente, de laquelle en revanche a été retiré le Soudan.

De façon strictement punitive, le nouveau décret suspend également l’entrée aux Etats-Unis de responsables gouvernementaux vénézuéliens, accusés de ne pas collaborer suffisamment dans la procédure d’attribution des visas.

Discriminant

Pour l’ACLU, la grande organisation américaine de protection des libertés, l’esprit discriminatoire du précédent décret est toujours bien présent dans la nouvelle mouture.

« Six des pays visés par le président Trump sont musulmans. Le fait que Trump ait ajouté la Corée du Nord – qui envoie très peu de visiteurs aux Etats-Unis – et quelques responsables gouvernementaux du Venezuela n’efface pas la réalité que ce décret de l’administration prolonge une interdiction des musulmans », a réagi lundi Anthony Romero, le directeur de l’ACLU.

Pour le National Immigration Law Center, une association défendant les immigrés, l’intention de porter tort aux musulmans reste évidente. « L’ajout du Venezuela à la liste des pays visés n’enlève pas le caractère odieux et xénophobe de la politique de Trump », a-t-il commenté. « Cela reste une exclusion des musulmans », a également assuré Becca Heller, responsable de l’International Refugee Assistance Project (IRAP), qui défend les réfugiés.

Anti-musulman « dans l’intention »

Les experts sont toutefois plus circonspects, car la Maison Blanche a pris soin cette fois d’expliquer abondamment ses décisions, adaptées sur mesure à chaque pays visé.

« Le gouvernement pourrait faire valoir que la durée et l’attention qu’il porte à ses procédures de contrôle des pays à l’entrée aux frontières, ainsi que le fait que ses mesures sont soi-disant davantage ciblées, montre que les Etats-Unis n’imposent pas l’exclusion d’une religion », a expliqué Carl Tobias, professeur de droit à l’université de Richmond.

Le président américain avait soutenu début 2017 avoir besoin d’une période de 90 jours d’interdiction d’arrivée des ressortissants de six pays musulmans afin de mettre en place des nouveaux filtres d’admission. La durée d’application de ce décret s’est achevée ce week-end.

Le précédent décret migratoire a suscité un âpre combat devant les tribunaux, jalonné de revers pour Donald Trump jusqu’à une victoire incomplète sur la forme devant la Cour suprême à Washington.

Imbroglio judiciaire aggravé

La haute cour devait examiner le 10 octobre le dossier sur le fond, après avoir été saisie sur la validité du décret... qui a expiré dimanche.

Dans ces conditions le nouveau décret a compliqué l’imbroglio judiciaire. De fait, la Cour suprême a annoncé lundi annuler l’audience du 10 octobre.

La Cour suprême a ordonné aux parties – le gouvernement américain d’un côté, des Etats démocrates et des associations dont l’ACLU de l’autre – de revoir leurs argumentaires en prenant en compte les changements introduits par le nouveau texte.

Une nouvelle audience sera fixée par la suite, à moins que les enjeux de l’affaire ne soient considérés dépassés. « Il se peut que les juges (de la Cour suprême) refusent de mettre les pieds dans ce bourbier », avait estimé plus tôt le professeur Stephen Yale-Loehr, spécialiste des sujets d’immigration, en précisant que le nouveau décret « pourrait leur offrir une échappatoire facile ». Quant aux juridictions inférieures, a-t-il ajouté, « il y a davantage de chances qu’elles valident cette (nouvelle) version du décret ».