Anthony Weiner à la sortie de la cour fédérale qui vient de le condamner à de la prison ferme, le 25 septembre. / LUCAS JACKSON / REUTERS

La chute a été longue, mais elle s’est achevée lundi 25 septembre, sur le banc d’un tribunal de New York. Anthony Weiner, ancien espoir démocrate, y a été condamné à 21 mois de prison et à 10 000 dollars d’amende pour avoir envoyé des photos suggestives et échangé par SMS des propos crus avec une mineure. L’ancien représentant de l’Etat de New York commencera à purger sa peine en novembre.

Le premier acte de cette dégringolade prodigieuse commence le 27 mai 2011, lorsqu’il envoie par erreur sur sa micromessagerie officielle une photo suggestive destinée à une jeune femme de l’Oregon avec laquelle il s’est lié à distance. Il nie en être l’auteur et incrimine des hackers. Une erreur d’autant plus stratégique que Breitbart News, un site promis à un bel avenir, s’engouffre dans le scandale et obtient la preuve que l’élu est bien l’auteur du message.

Selfies sexuels et adultère virtuel : comprendre l’affaire Weiner en cinq minutes
Durée : 05:17

Obama s’en mêle

Breibart News est composé de guerriers dévolus à la ruine du camp démocrate et de la « bulle » washingtonienne. Précisément tout ce qu’incarne Anthony Weiner dont le patronyme, qui évoque le mot « saucisse », ajoute au ridicule de photos prises au-dessous de la ceinture. En ces temps d’insurrection Tea Party, Andrew Breitbart, le fondateur créateur du site, exploite à merveille la situation.

Le ridicule ne tue pas, du moins pas instantanément. L’élu est en sursis, après une humiliante séance de repentir. Mais l’affaire prend un tel tour que le président démocrate, Barack Obama, se charge de la sentence. « Si j’étais à sa place, je démissionnerais », glisse suavement son porte-parole le 13 juin, rapportant les propos présidentiels. Trois jours plus tard, l’intéressé s’exécute. Le voici cloué au sol alors que sa femme, Huma Abedin, parcourt le monde au côté de la secrétaire d’Etat Hillary Clinton qui parle d’elle comme sa « seconde fille ».

Rédemption

Le deuxième acte, en 2013, est celui de la récidive, immortalisée par un documentaire, Weiner, sorti sur les écrans américains en mai 2016. L’affaire débute par un coup de fil passé en avril 2013 à un ancien assistant devenu réalisateur, Josh Kriegman : « Je me lance dans la campagne pour la mairie de New York, je suis à la maison avec mon équipe, si tu veux venir avec une caméra et filmer, tu peux. » Débute alors une campagne nerveuse, dans laquelle le proscrit jette toutes ses forces dans l’espoir d’une rédemption. Il a payé. Les compteurs ont été remis à zéro. Sa femme est à ses côtés. À huit semaines de l’élection, les intentions de vote frémissent.

Mais le 23 juillet, « Carlos Danger » fait la « une » des journaux new-yorkais. Il s’agit d’un pseudonyme on ne peut mieux trouvé, celui qu’Anthony Weiner s’est choisi pour des conversations très libertines tenues quelques mois plus tôt, et à nouveau accompagnées d’autoportraits supposément avantageux. Son interlocutrice est cette fois-ci une jeune femme installée dans l’Indiana, Sydney Leathers, qui choisit de rendre publics leurs échanges au prix d’un peu de notoriété. Dans le documentaire, la caméra filme, presque sans aucun filtre, le candidat au moment où il est confronté au pire accident de campagne imaginable. Weiner, chronique fascinante de cette chute, scrute l’énergie insensée d’un homme rattrapé par ses vertiges.

Le coup final

Le troisième acte, le plus bref, scelle définitivement le sort d’Anthony Weiner. L’ancien élu n’a plus de mandat auquel s’accrocher. Plus de campagne à défendre contre un nouveau raz de marée. Père au foyer, il se contente de commenter la campagne présidentielle dans les programmes de Stephen Colbert et de Bill Maher, en juillet. Met au défi le fils aîné de Donald Trump, le candidat républicain à la présidentielle du 8 novembre, de se lancer dans la course à la mairie de New York. Il est encore l’invité le 21 août de l’entretien publié chaque semaine à la fin du magazine du New York Times. Son titre : « Anthony Weiner pense qu’il n’est pas mauvais pour donner des conseils. » Extraits.

Profession ? « Je n’ai pas vraiment de boulot. » Continuez-vous à faire ce qui vous a mis dans le pétrin ? « Je ne vais pas me lancer dans une discussion sur ce sujet. Mais je vais vous dire ceci : il ne fait aucun doute que le phénomène Trump conduit beaucoup de gens à me dire : “Mon gars, comparé à l’invitation lancée aux Russes de hacker des e-mails, ton truc relève presque du pittoresque.” » Une semaine plus tard, le New York Post publie à sa « une » des photos de l’ancien espoir démocrate à nouveau dans des poses suggestives, échangées avec une correspondante un an plus tôt, son fils endormi en arrière-plan.

Clinton impactée

Le nouveau scandale est le dernier, d’autant qu’il est suspecté d’avoir conversé avec une mineure. L’ouverture d’une enquête se profile. La rupture avec Huma Abedin est officialisée dès le lendemain matin. Pas question pour cette dernière de parasiter la campagne présidentielle en cours qui voit Hillary Clinton aux prises avec Donald Trump. Cette prise de distance doit protéger la candidate, mais le scandale revient percuter comme un boomerang la démocrate quelques jours seulement avant le scrutin.

Car l’enquête sur le sexting d’Anthony Weiner fait ressurgir l’affaire des emails qui parasitent la campagne de Mme Clinton depuis un an et demi. En examinant les entrailles d’un ordinateur partagé par le couple, les limiers de la police retrouvent en effet certains des courriels qui avaient transité par le serveur personnel utilisé de manière discrétionnaire lorsque la candidate dirigeait la diplomatie américaine. Ils sont transmis au FBI qui décide de rouvrir une enquête refermée quatre mois plus tôt. En pure perte puisqu’il ne s’agit que de copies déjà identifiées.

L’impact de cette réouverture, pourtant, est dévastateur. Hillary Clinton l’avance aujourd’hui pour expliquer en partie sa défaite inattendue le 8 novembre. L’autodestruction d’Anthony Weiner aura fait plus d’une victime collatérale.