Alors que la brillante critique d’art camerounaise Christine Eyene vient d’être nommée commissaire de la prochaine édition de la Biennale de Casablanca, prévue en octobre 2018, celle de Marrakech, initialement programmée en février 2018, est reportée sine die. « Il n’y a pas d’argent, déplore Amine Kabbaj, président exécutif de l’événement. J’ai écrit deux fois à Sa Majesté, je ne sais pas comment réveiller les gens au plus haut niveau. La culture n’est pas la priorité de ce gouvernement. »

Créée voilà treize ans par la Britannique Vanessa Branson (sœur de Richard Branson, patron du groupe Virgin), la manifestation avait pourtant réussi à lever 900 000 euros auprès de sponsors marocains en 2016. L’édition menée par la commissaire d’exposition palestinienne Reem Fadda avait, une fois n’est pas coutume, brillé par sa qualité, et la manifestation avait fermé ses portes sur une affluence record de 100 000 visiteurs. Le choix de l’excellente commissaire d’exposition marocaine Mouna Mekouar pour orchestrer la prochaine édition présageait du meilleur.

Mais aujourd’hui, c’est l’heure des comptes. Et, pour la première fois, la Biennale accuse un déficit d’environ 300 000 euros. Pis, elle s’est aliénée les structures locales. « C’est une Biennale qui a été faite pour les étrangers et non pour les Marocains, déplore Yasmina Naji, directrice de la galerie et centre d’art Kulte, à Rabat. Beaucoup d’argent a été dépensé dans des événements festifs, des soirées privées, et très peu dans la production d’œuvres. La Biennale a été mal gérée. »

Coup dur

L’annulation est un coup dur pour la foire d’art contemporain 1:54, qui s’était volontairement greffée sur son calendrier pour organiser sa première édition à Marrakech. « Je suis triste que la Biennale soit repoussée, mais je suis persuadée que ce n’est que partie remise, veut croire Touria Al-Glaoui, sa directrice. Il me semble d’autant plus indispensable de lancer 1:54 Marrakech et d’offrir une exposition internationale de qualité au public marocain. »

Amine Kabbaj dit vouloir tenter le tout pour le tout fin novembre, avec l’organisation par la Compagnie marocaine des œuvres et objets d’art (CMOOA), dans un grand hôtel de Marrakech, d’une vente de charité d’œuvres données par les artistes. « Ce n’est pas sérieux, demander maintenant aux artistes de financer la Biennale !, soupire Yasmina Naji. De toute façon, une biennale ne se monte pas en quelques mois. Il faut qu’on comprenne enfin la nécessité de placer à la tête de cet événement des professionnels de la gestion culturelle. »