Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, le 25 septembre à Bruxelles. / FRANCOIS LENOIR / REUTERS

Selon un calendrier ne devant rien au hasard, trois jours après les élections allemandes et au lendemain du discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne, la Commission européenne devait rendre public, mercredi 27 septembre, un nouveau volet de sa politique de migration et d’asile. Au cœur du débat électoral allemand, après l’avoir été aux Pays-Bas ou en France, le sujet reste en tête des priorités européennes et, en accord avec Paris et Berlin, Bruxelles entend indiquer à l’opinion que « l’Europe qui protège » souhaitée par le président français est surtout, à l’heure actuelle, une Europe qui « se » protège. Ce faisant, la Commission tente aussi de gommer l’échec partiel de précédents plans d’action qu’elle avait présentés.

« Il faut redoubler d’efforts », avait indiqué, à Strasbourg, dans son « discours sur l’état de l’Union », le 13 septembre, le président Jean-Claude Juncker. Les « efforts » évoqués mercredi devaient surtout ­viser à accélérer les retours et à afficher plus de « solidarité » avec l’Afrique – pour y favoriser le maintien des candidats au départ. Des mesures contrebalancées par de nouvelles promesses en matière d’accueil : l’ouverture de nouvelles voies légales de migration et un nouveau schéma pour la réinstallation d’« au moins » 50 000 réfugiés d’ici à octobre 2019.

« Espace commun d’asile »

A la mi-septembre, le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) estimait que quelque 277 000 réfugiés, au total, séjournent actuellement dans les pays traversés par la route de la Méditerranée centrale. L’Office international des migrations chiffre lui à quelque 135 000 le nombre de migrants qui ont gagné l’Europe depuis le 1er janvier. Et 2 654 sont morts dans la Méditerranée.

Dans le plan qu’elle a élaboré en 2015, au plus fort de la crise, la Commission avait espéré que quelque 120 000 personnes au ­total pourraient être accueillies en Europe avant septembre 2017. ­Finalement, 29 000 seulement ont été admises et 8 000 autres sont encore en attente d’un possible départ vers un Etat membre. Dans le cadre de ce plan de relocalisation, l’Allemagne a accueilli quelque 8 500 réfugiés, la France 4 500, les Pays-Bas 2 400, la Suède 2 300, loin des objectifs annoncés. La Hongrie et la Pologne se sont dérobées à leurs obligations, l’Autriche et la République tchèque ont admis 1 % du quota qui leur était imposé, la Slovaquie moins de 2 %.

Début septembre, la Cour de justice de l’UE a donné tort à la Hongrie et à la Slovaquie, qui s’opposaient à ce système temporaire de quotas. Pour l’Allemagne, cet arrêt a ouvert la voie à l’adoption d’un mécanisme, permanent cette fois, de relocalisation des réfugiés ­proposé par la Commission en juillet 2016. La Pologne et d’autres pays de l’Est refusent toutefois encore obstinément de prendre leur part, alors que 11 autres membres ont, eux, offert 14 000 places d’accueil dans ce nouveau cadre.

Est-il encore envisageable, alors que le fossé se creuse entre les Etats membres, de créer « l’espace commun d’asile et d’immigration », évoqué mardi par Emmanuel Macron ? Le président français prône la solidarité et un partage équitable, sans évoquer la possibilité de sanctions éventuelles contre les récalcitrants. La Commission en appelle pour sa part à « des progrès urgents » dans les discussions sur la mise au point de ce système commun d’asile qui fixerait des règles uniformes et allégerait la charge, tant pour les pays d’arrivée que pour les principaux pays de destination des demandeurs d’asile.

Bruxelles, dans l’immédiat, ­entend débloquer 500 millions d’euros supplémentaires pour aider les pays procédant à des réinstallations. Et accélérer le retour de 1,5 million de migrants présents sur son territoire et qui ne peuvent prétendre à l’asile. « Les procédures de retour sont lourdes et disparates », indique M. Macron, qui évoque la nécessité d’une « police européenne des frontières ». La Commission parle, quant à elle, de renforcer le département « retour » au sein de l’Agence de gardes-frontières et de gardes-côtes, qui a succédé à Frontex en 2016.

La Commission évoque, enfin, la nécessité de renforcer la « gestion des flux migratoires » avec les pays d’origine et de transit. Les accords déjà conclus avec la Libye et d’autres pays devraient être renforcés. Problème : le fonds financier créé à cette fin manque cruellement de moyens et un appel aux dons des Etats est réitéré.

S’il entend sauver ce qui reste de sa politique migratoire, le collège européen doit aussi sauver l’espace sans passeport de Schengen, mis à mal par la crise migratoire, qui, conjuguée à la menace terroriste, a entraîné, en France, en Allemagne ou en Autriche, le rétablissement des contrôles aux frontières. Les Etats concernés, entendant « rendre légale l’illégalité dans laquelle elles se trouvent », comme le dit un expert européen, réclamaient une extension des délais actuels pour la poursuite de tels contrôles. La Commission de Bruxelles n’avait pas d’autre issue que de dire oui. Quitte à admettre une autre entorse à ses principes.