Des membres des forces libyennes fidèles à Khalifa Haftar, à Benghazi, le 19 septembre. / ABDULLAH DOMA / AFP

C’était une simple visite « technique », sans apparat ni cérémonie, exécutée dans la plus parfaite discrétion. Arrivé lundi 25 septembre dans l’après-midi dans un avion militaire italien, le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de la Cyrénaïque (Est de la Libye), devait regagner son pays mercredi matin, après un voyage de quarante-huit heures sur lequel bien peu d’informations auront filtré.

Selon un communiqué assez évasif du ministère de la défense italien, publié mardi en fin de journée, le commandant de l’Armée nationale libyenne s’est entretenu avec la ministre de la défense italienne, Roberta Pinotti, de « la stabilisation de la Libye, la lutte contre le terrorisme international et le contrôle des flux migratoires », tandis qu’étaient réaffirmés le soutien de Rome aux initiatives de réconciliation nationale menées par les Nations unies et l’injonction à ce que le règlement du conflit opposant le chef militaire au gouvernement de Tripoli, soutenu par la communauté internationale, se fasse hors de tout recours à une « solution militaire ». De source diplomatique, la protection des sites du groupe énergétique ENI, très implanté dans la région, a également été évoquée.

Rupture

Pour discrète qu’elle ait été, la visite du maréchal Haftar n’en marque pas moins la concrétisation d’une rupture. Il y a trois mois encore, l’Italie excluait formellement de considérer ce chef militaire comme un interlocuteur à part entière. Ce refus était d’autant plus vif que le maréchal Haftar, qui contrôle la Cyrénaïque, une région traditionnellement hostile à l’influence de l’ancienne puissance coloniale italienne, était vu avant tout comme l’homme des Egyptiens. Or les relations entre Rome et Le Caire étaient au plus mal, depuis la mort suspecte de l’étudiant Giulio Regeni, début 2016, sur lequel Le Caire refuse toujours de faire toute la lumière.

L’initiative française de la fin du mois de juillet, aboutissant à une rencontre entre Khalifa Haftar et le dirigeant du gouvernement « officiel » de Tripoli, Faïez Sarraj, à La Celle-Saint-Cloud (Yvelines), ressentie comme une mauvaise manière par l’Italie, aura été un des déclencheurs de ce virage. L’ambassadeur italien en Egypte a été renvoyé au Caire en août. Début septembre, le ministre de l’intérieur Marco Minniti, ancien chef des services secrets et grand architecte du plan italien pour stopper les flux migratoires au départ des côtes libyennes, a fait une visite discrète mais très remarquée au maréchal Haftar, dans sa ville de Benghazi. Ce dernier, qui se présente comme un nationaliste intransigeant, avait, en effet, protesté contre l’accord, signé par le gouvernement d’union nationale de M. Sarraj, permettant aux navires militaires italiens d’intervenir dans les eaux territoriales libyennes, dans le cadre de la lutte contre les passeurs et l’immigration clandestine. Pour espérer faire tenir l’accord fragile et controversé qui a permis le spectaculaire ralentissement des départs en mer depuis la Libye, Rome ne néglige aucun soutien.