Emmanuel Macron, à la Sorbonne, à Paris, le 26 septembre. / POOL / REUTERS

Editorial du « Monde ». Cela faisait presque étrange d’entendre de nouveau un président français parler de l’Europe avec du ­souffle, de l’enthousiasme et de l’optimisme. Un brin de lyrisme aussi. Il va falloir s’y habituer. Emmanuel Macron reste fidèle à ses promesses de campagne et, dans le sillage de son discours d’Athènes du 7 septembre, il a redit avec force, mardi 26 septembre, à la Sorbonne, qu’il voulait une Europe plus intégrée, plus unie et plus démocratique. Il n’a pas tort.

En ce premier tiers de XXIe siècle, époque d’euroscepticisme galopant, de Brexit et de résurgence de cette vieille régression qu’est le nationalisme, le président est le seul des dirigeants des vingt-sept membres de l’Union européenne (UE) à proposer que le projet européen aille de l’avant. En France, il faut remonter à François Mitterrand (1981-1994) pour trouver une profession de foi européenne affichée avec autant de conviction.

L’UE n’a pas le choix

M. Macron a repris à la Sorbonne l’idée forte qu’il avait développée à Athènes. Dans le monde qui s’annonce, entre le retrait des Etats-Unis de la scène ­internationale et le poids sans cesse plus lourd de la Chine et des grandes économies émergentes, l’Europe n’a pas le choix. Si elle veut exister, elle doit s’unir. Ou elle se condamne à être marginalisée.

L’expression de la souveraineté – cette aptitude à projeter nos valeurs et à défendre nos intérêts – passe par l’intégration européenne. A tout le moins en va-t-il ainsi dans un petit nombre de domaines que M. Macron a énumérés : la sécurité ; la protection des frontières de l’UE ; une poussée migratoire structurelle ; la gestion des géants du numérique ; la sauvegarde de l’environnement, de nos paysages et de notre culture ; la capacité à défendre le marché européen contre la concurrence déloyale.

S’en est suivie une liste de projets très concrets qui ont l’immense mérite d’exister : la France fait des propositions. On objectera que cette liste, trop foisonnante et non hiérarchisée, dessine ce que l’UE doit être à l’horizon des dix ans ou plus – autant dire dans très longtemps. C’était une façon pour M. Macron de ne heurter personne en Europe. C’était une manière élégante de reprendre, à la va-vite, ses suggestions pour renforcer la zone euro, mais sans insister pour ne pas gêner Angela Merkel dans la formation de sa coalition gouvernementale.

« Compenser à gauche »

Même à la Sorbonne, la politique reprend ses droits. Pour autant, il ne faut pas s’y tromper. Ce qui attend Paris au lendemain de la formation d’un gouvernement à Berlin, ce n’est pas l’Europe horizon 2040, mais quelque chose de plus prosaïque : l’approfondissement de l’union monétaire.

Alors, pourquoi ce discours maintenant, dira-t-on ? Pourquoi redire à la Sorbonne ce qui a été énoncé au Parthénon quelques jours plus tôt ? Au passage, c’était l’occasion pour M. Macron, après la réforme du droit du travail, de « compenser à gauche » en formulant des propositions concrètes pour mettre fin au dumping fiscal et social au sein de l’UE.

Mais on fera d’abord crédit au président d’être animé d’une foi européenne – encore une fois, à la Mitterrand – qui va l’amener à entreprendre cette longue bataille politique : lutter contre l’euroscepticisme des peuples, le désamour européen, le pessimisme continental (spécialité française, il est vrai). L’Europe rêvée d’Emmanuel ­Macron était si belle dans l’amphithéâtre que le président émettait la possibilité que les Britanniques y reviendraient – dans dix ans. Pourquoi pas ?