Edouard Philippe, le 28 septembre sur le plateau de « l’Emission politique ». / THOMAS SAMSON / AFP

Durant plus de deux heures, Edouard Philippe a défendu ardemment l’action de son gouvernement, jeudi 28 septembre. Invité de « L’Emission politique » sur France 2, le premier ministre s’est évertué à justifier les choix politiques impulsés par Emmanuel Macron depuis son élection, sur des sujets aussi variés que la politique industrielle, l’ouverture de la PMA à toutes les femmes ou la suppression d’une partie des contrats aidés.

  • Face à Jean-Luc Mélenchon, « la France va mal »

C’était le moment le plus attendu de cette soirée de débat politique, mais il aura été finalement plus apaisé qu’annoncé. Le député de la France insoumise, Jean-Luc Mélénchon, a interpellé le premier ministre sur la réforme du code du travail menée par le gouvernement. « La souffrance se répand partout. Vous venez de bricoler le code du Travail, en France il y a 9 millions de pauvres, vous allez baisser le budget de 4 milliards », a fustigé l’ancien candidat à l’élection présidentielle.

« Si la situation était bonne dans le pays, ça se saurait. Nous partons d’une situation où la France va mal », a rétorqué le chef du gouvernement. « Notre objectif c’est de réparer le pays, le faire repartir. Créer de la croissance, augmenter le pouvoir d’achat de ceux qui sont des actifs », a martelé Edourd Philippe. « Nous faisons le constat ensemble que la France va mal. Nos méthodes ne sont pas les mêmes », a-t-il encore dit à Jean-Luc Mélenchon.

  • « Maîtriser ses mots c’est important »

Face à Jean-Luc Mélenchon, Edouard Philippe est resté relativement calme. « On vit dans un monde violent, souvent très violent. Maîtriser ses mots, c’est important », a-t-il dit pour justifier son attitude.

« J’ai dit à M. Mélenchon ce que je pensais du choix de certaines de ses expressions. Nous sommes radicalement en désaccord, mais il est parlementaire de l’opposition, et je n’ai aucun problème là-dessus. »

Edouard Philippe a tout de même profité d’une passe d’armes avec l’orateur de la France insoumise pour tacler son attitude dans l’entre-deux tours de l’élection présidentielle. « Parfois vous me décevez », a dit Edouard Philippe à Jean-Luc Mélenchon.

  • « Il faudra supprimer des réacteurs nucléaires »

Le chef de file de la France insoumise a ensuite interrogé le premier ministre sur la fermeture de 17 réacteurs nucléaires évoquée en juillet par Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique. Une affirmation qui avait provoqué la surprise.

« Il y a une loi, M. Mélenchon. Il y a des objectifs rappelés par le président. Une loi qui fixe la diminution de la part du nucléaire à 50 % à horizon 2025. Pour descendre à 50 %, il faudra supprimer des réacteurs. On fermera un certain nombre de réacteurs car on arrive à la quatrième décennie. L’autorité de sûreté nucléaire statuera sur ceci », a répondu Edouard Philippe, affirmant qu’il ne faut « pas jouer avec ça ».

  • Sur la PMA, Édouard Philippe dit avoir « évolué »

Jacques Testart, pionnier de la fécondation in vitro et « papa » d’Amandine, le premier bébé éprouvette, a questionné le premier ministre sur l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. Cette proposition, qui figurait dans le programme d’Emmanuel Macron, avait été rejetée par Edouard Philippe en 2013. Le premier ministre a affirmé avoir « évolué » sur ce sujet :

J’évolue car je rencontre des couples qui ont eu recours à cette technique en Belgique, en Espagne. Je vois ce que ça suscite, ce que ça permet, je ne vois pas ce que ça enlève. J’ai envie d’en discuter avec des gens ».
  • La fusion Alstom-Siemens et le rachat de STX, des « bonnes nouvelles »

Sans surprise, ce sont les dernières annonces du secteur industriel qui ont ouvert le grand oral du premier ministre. « Je veux constituer des géants européens qui soient fondés sur des compétences industrielles françaises », a expliqué Edouard Philippe concernant la fusion des deux géants européens du ferroviaire, Alstom et Siemens, et le rachat de STX par l’italien Fincantieri.

C’est une « bonne nouvelle pour l’industrie française et une mauvaise pour l’industrie chinoise » a martelé Edouard Philippe. « Je préfère que Siemens s’unisse à Alstom plutôt qu’avec Bombardier (canadien) », ajoute-t-il.

  • Notre-dame-des-Landes, une « décision difficile »

Mis face à ses contradictions sur certains sujets écologiques, le premier ministre a admis être « venu sur le tard » aux questions écologiques, assurant « assumer » avoir « évolué à (son) rythme » sur le sujet.

Interrogé sur la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, il a refusé de donner son « intime conviction » sur « une décision difficile à prendre ». Il a renvoyé à la mission confiée par le président Emmanuel Macron à trois médiateurs chargés de permettre au gouvernement de prendre une décision.

  • Le bilan « assez faible » du contrat aidé

C’est l’une des raisons de la colère des maires de France contre le gouvernement. Ce dernier a confirmé le 21 septembre une baisse de 40 % du nombre de contrats aidés en France. Il n’y aura plus que 200 000 emplois aidés en 2018, contre 320 000 cette année et 460 000 en 2016.

« L’instrument contrat aidé obtient des résultats en matière de taux d’insertion assez faible », a affirmé Edouard Philippe. « Sur le secteur non marchand, le taux d’insertion durable dans l’emploi quelques mois après la fin du contrat aidé est de 26 % », a souligné le premier ministre, avant d’affirmer que le gouvernement allait « faire en sorte que derrière un contrat aidé, il y a une formation ».

  • La dette, « invitée inattendue »

Le traditionnel « invité inattendu » de l’Emission politique était jeudi soir Thierry Breton, PDG du groupe Atos et ancien ministre de l’économie entre 2005 et 2007, dans le gouvernement Raffarin III puis Villepin.

Thierry Breton a questionné Édouard Philippe sur la dette, « un débat important » malgré une certaine « lassitude » de la part des Français sur ce sujet. A ce sujet, le premier ministre a dressé un bilan sévère des deux précédents quinquennats, affirmant que « nous avons été, en France, extrêmement enthousiastes avec l’endettement. »

« Dans cet enthousiasme, il faut voir le fruit d’un certain laxisme budgétaire et probablement le fait que, dans toute cette période, s’endetter n’a quasiment jamais été aussi peu cher car les taux d’intérêts diminuaient. Le stock de dette grossissait mais les taux d’intérêts baissaient ».

Pour diminuer la dette, Édouard Philippe a proposé de « diminuer les déficits chaque année, diminuer la dépense publique et préserver l’investissement ». À la fin du quinquennat, « on aura cinq points de PIB en moins sur la dette », a-t-il promis.