Des retraités manifestent à Marseille (Bouches-du-Rhône), le 26 septembre. / BORIS HORVAT / AFP

A 65 ans, Lydia s’apprête à manifester pour la première fois de sa vie. Jeudi 28 septembre, cette retraitée descendra dans la rue, à l’appel de neuf organisations syndicales et associations, pour protester contre la hausse annoncée de la contribution sociale généralisée (CSG).

« Le sentiment d’injustice m’est insupportable, fulmine-t-elle. Le gouvernement a décidé d’appauvrir les retraités alors qu’ils ont travaillé toute leur vie, parfois jusqu’à quarante-huit heures par semaine. » Elle qui a travaillé jusqu’à 64 ans, « bien au-delà du départ légal auquel elle était contrainte », afin de se constituer une « rente convenable », ne supporte pas que le gouvernement décide de la lui baisser « sans compensation ».

L’exécutif compte, en effet, augmenter de 1,7 point le taux normal de la CSG, utilisée pour financer la protection sociale (Sécurité sociale, prestations familiales). Les retraités devront supporter cette hausse sans bénéficier des contreparties prévues pour les salariés du privé, les indépendants ou les fonctionnaires. Dans les faits, cette hausse, qui entrera en vigueur au 1er juin 2018, pèsera sur les 60 % de retraités soumis au taux plein de CSG, les 40 % restants ne seront pas concernés.

Cette augmentation devrait rapporter un peu plus de 20 milliards d’euros aux finances publiques. L’objectif est de compenser la suppression des cotisations chômage et maladie pour les salariés du secteur privé, qui représentent 3,15 % du salaire. Une façon de redonner du pouvoir d’achat aux actifs, en mettant à contribution les retraités touchant plus de 1 200 euros net par mois. Mais la mesure passe mal auprès d’une partie de ces derniers.

Retraités, mais pas « privilégiés »

Comme Lydia, d’autres retraités ayant répondu à notre appel à témoignages dénoncent une mesure « injuste ». « Trop, c’est trop, les retraités ne sont pas des vaches à lait », gronde Gérard, 71 ans. Retraité de l’éducation nationale, il regrette que le montant de sa pension n’ait pas augmenté depuis quatre ans. « Les retraités perdent du pouvoir d’achat, observe-t-il. Je veux bien être solidaire mais pas seul, les hauts salaires doivent aussi participer. Or, ce sont les classes moyennes qui sont encore sollicitées. »

Chacun fait ses comptes pour évaluer le manque à gagner. Monique, ancienne agente des impôts dont la pension s’élève à 1 750 euros, a ressorti sa calculatrice : « Je vais perdre 29,75 euros par mois, soit 357 euros par an sur mon budget déjà très serré, puisque j’habite à Paris et que mon loyer ne baisse pas. » Sans compter la taxe d’habitation, qu’elle devra continuer à payer puisqu’elle ne fait pas partie des 80 % de ménages qui en seront exonérés à partir de 2018.

Une partie des retraités contestent l’idée selon laquelle ils seraient des « privilégiés ». « Je ne pense pas que 1 200 euros fassent partie des gros revenus, s’indigne Annette, 68 ans. Je suis déjà à découvert tous les mois. Quand on a retiré le loyer, les charges et la mutuelle, onéreuse après avoir subi deux cancers, il ne reste pas grand-chose », constate-t-elle, scandalisée par « l’indécence et le mépris », dont fait preuve Emmanuel Macron à ses yeux. Le bilan est amer :

« J’aurai passé ma vie à élever seule mes quatre enfants, et sur ces dernières années qui restent, je continue à me serrer la ceinture, sans pouvoir m’offrir ne serait-ce qu’un petit voyage. »

« Un effort significatif »

François, ancien cadre dans la gestion d’actifs, bénéficie de revenus plus confortables. Il n’en éprouve pas moins, lui aussi, « une certaine amertume quand [il] entend dire que les retraités sont des nantis », car « une bonne retraite, cela veut dire des études longues, beaucoup de travail, et je n’ai pas l’impression d’avoir acquis ces droits au détriment des autres. »

Il a calculé que l’augmentation de la CSG représentera « près de 3 000 euros en moins » dans son foyer. « Cela ne nous mettra pas sur la paille, certes, mais c’est un effort significatif », souligne-t-il.

Parmi ces retraités opposés à la hausse de la CSG, tous ne manifesteront pas pour autant. Soit parce qu’ils ne sont pas en capacité physique de le faire, soit parce que ce n’est « pas [leur] mode de fonctionnement », soit, enfin, parce qu’ils se sont « résignés ».

Mais l’un d’eux met en garde « le président, les ministres et les députés » : « Attention à cette masse silencieuse, qui vote aussi. » La sanction pourrait tomber dans les urnes.

« Si cela peut relancer l’économie, j’accepte »

Le discours diffère chez ceux qui ont voté pour Emmanuel Macron à la présidentielle. Ceux-là ne manifesteront pas. Comme le rappelle Benoît, 71 ans, « le président avait annoncé cette mesure dans son programme ».

Par souci de « cohérence », il « accepte donc le principe » de cette hausse, bien que sa pension n’ait pas été revalorisée depuis 2008, entraînant « une baisse de pouvoir d’achat de plus de 7 % ». « La hausse de la CSG va être en partie redistribuée aux salariés, donc à mes enfants. C’est un moindre mal », se console-t-il.

Les effets positifs promis par cette mesure fiscale permettent de faire passer la pilule. Selon le gouvernement, un salarié du privé payé au smic gagnera 130 euros de plus en 2018. A partir de 2019, son gain devrait passer à 260 euros par an, tandis qu’un salarié payé 2 200 euros net sera censé empocher 500 euros supplémentaires.

« Je vais y laisser des plumes, mais si cela peut relancer l’économie, j’accepte », assure Max, ingénieur à la retraite. Roland, dont les enfants sont au chômage, exclut aussi de manifester, estimant qu’« il est important de faire des efforts pour que nos enfants trouvent du travail ».

En tant que « baby-boomeur », Jean-Marie, ancien professeur, estime, quant à lui, avoir eu « plus que [sa] part du gâteau » et ne « veut pas laisser à [ses] petits-enfants une dette insupportable ».