Manifestation pour l’indépendance du Kurdistan irakien, à Bahirka près d’Erbil, capitale de la région autonome, le 21 septembre. / SAFIN HAMED / AFP

Le succès du référendum de lundi 25 septembre sur l’indépendance du Kurdistan irakien était considéré comme acquis. Mercredi 27 septembre, à Erbil, la capitale de la région autonome, les représentants de la Haute Commission indépendante kurde pour les élections et le référendum ont annoncé la victoire écrasante du « oui » à l’indépendance, qui a rassemblé 92,73 % des suffrages pour une participation donnée à 72,16 % des 4,6 millions d’inscrits.

Le président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, à l’initiative du référendum, n’avait pas attendu la publication des résultats pour annoncer, la veille, le début d’une « ère nouvelle » pour les habitants de la région autonome et des zones au-delà contrôlées par les forces kurdes, appelés aux urnes.

Sans pour autant proclamer la victoire ni produire d’annonce significative sur la suite du processus qui devra mener à l’indépendance, il a annoncé des « difficultés » à venir tout en promettant un « avenir meilleur » pour le Kurdistan.

Au sein de son parti, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), on défend la position officielle qu’il a fixée dans un vague appel « au dialogue » et à la « résolution des problèmes » par la « négociation ». « Le référendum n’est pas un but en soi, c’est un moyen d’accéder à l’indépendance. Nous devons être très prudents, toutes les portes de la négociation sont ouvertes », déclare Ali Hussein, un haut responsable du PDK.

Ultimatum

Ce n’est pas le signal envoyé par le Parlement irakien, qui a voté mercredi une série de sanctions avant même la proclamation des résultats du référendum. Présent à cette session, où seuls manquaient les députés kurdes, le premier ministre irakien, Haïder Al-Abadi, a endossé les treize mesures et plaidé pour l’ouverture d’un dialogue « dans le cadre de la Constitution », à la condition que le résultat du scrutin soit annulé.

Parmi ces mesures de rétorsion figurent, notamment, la fermeture des postes frontières contrôlés par les forces kurdes et l’ouverture de poursuites judiciaires contre les responsables et les fonctionnaires qui ont organisé ou participé au référendum.

Le Parlement a endossé l’ultimatum de 72 heures lancé la veille par le gouvernement irakien aux autorités kurdes, les enjoignant de remettre le contrôle de leurs deux aéroports aux autorités fédérales, sous peine d’interdire tous les vols dès vendredi. Des compagnies aériennes comme EgyptAir et Middle East Airways ont déjà annoncé l’arrêt de leurs vols à partir de cette date.

Bagdad semble toutefois disposé à laisser à Massoud Barzani un répit. « Au Parlement, M. Abadi a voulu montrer qu’il est à l’initiative de ces mesures fortes mais il a aussi fait comprendre qu’il ne serait pas plus dur sinon ce serait renforcer M. Barzani. Les autres partis politiques comprennent cela », commente Ahmed Al-Rushdi, conseiller diplomatique du président du Parlement, Selim Al-Joubouri.

« Ecouter la voix de la sagesse »

Opter pour une solution militaire pourrait coûter à Bagdad le soutien unanime de la communauté internationale, au nom du respect de l’unité de l’Irak.

Selon des observateurs étrangers, M. Abadi ne devrait pas imposer dans l’immédiat aux ambassades étrangères de fermer leurs représentations à Erbil, comme l’exige le Parlement. Il pourrait envisager des arrangements comme celui proposé, mercredi soir, par le gouvernement kurde d’autoriser la présence d’observateurs fédéraux dans ses aéroports.

L’envoi de forces de sécurité pour reprendre les territoires disputés, notamment à Kirkouk et dans ses champs pétroliers, requis par le Parlement, ne semble pas imminent. Devant les chefs des forces armées irakiennes, mardi, M. Abadi a écarté l’option militaire contre Erbil, donnant la priorité à la lutte contre l’organisation Etat islamique. L’attaque surprise menée par les djihadistes, mercredi, à Ramadi, la capitale de la province de l’Anbar libérée début 2016, conforte ce choix.

A Kirkouk, la menace de Bagdad n’est pas prise au sérieux. « Je ne crois pas que ces menaces seront suivies d’effet. Il faut à tout prix négocier. Si c’est impossible, nous répondrons à une intervention militaire de Bagdad par la force », promet Wasta Rassoul, le commandant des forces kurdes de Kirkouk. Les milices chiites irakiennes déployées dans la région, hostiles à l’indépendance kurde, se gardent de toute surenchère pour le moment.

« Nous ne souhaitons pas une escalade, assure Laïth Al-Adhari, membre du bureau politique du mouvement chiite Asaib Ahl Al-Haq. Il y a des mécanismes dans la Constitution pour régler la question des territoires disputés. Tant que nous n’en aurons pas fini avec ce cancer qu’est le soi-disant Etat islamique, on ne pourra pas parler de solution militaire au Kurdistan. Aux Kurdes d’en profiter et d’écouter la voix de la sagesse. Mais si Massoud Barzani s’entête à créer un fait accompli à Kirkouk, nous serons dans l’obligation d’intervenir. »