Lentement mais sûrement, et au prix d’importants efforts demandés au système de santé, la Sécurité sociale se dirige vers un retour à l’équilibre. C’est le principal enseignement du premier projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) du quinquennat, présenté jeudi 28 septembre par la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, et le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin.

Paquet de cigarettes à dix euros, hausse du forfait hospitalier, augmentation du minimum vieillesse, suppression du RSI, transformation du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allégements de charges… Plusieurs mesures de ce copieux PLFSS traduisent des promesses de campagne du candidat Macron.

Tout n’y figure pas pour autant : la réforme des mutuelles étudiantes, la vente des médicaments à l’unité ou les outils pour tendre vers un reste à charge zéro pour les lunettes, soins dentaires et aides auditives d’ici à 2022 figureront notamment dans un prochain texte. Des dispositions (augmentation du minimum vieillesse ou de l’aide à la garde d’enfants pour les familles monoparentales) ciblent particulièrement les plus modestes aux dépens, notamment, des classes moyennes.

  • Un déficit ramené à 2,2 milliards d’euros

L’objectif affiché par l’exécutif pour 2018 reste ambitieux avec un déficit de la Sécurité sociale – régime général et Fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui verse les cotisations retraite des chômeurs et le minimum vieillesse – ramené à 2,2 milliards d’euros, soit le plus bas niveau depuis 2001. Dans ce contexte, la perspective de retour à l’équilibre de la « Sécu » en 2020, repoussé d’un an par le premier ministre, Edouard Philippe, en juillet, paraît atteignable pour le gouvernement.

Cette trajectoire favorable s’inscrit dans le droit fil de 2017, une année où l’embellie de l’économie a permis une rentrée supplémentaire de cotisations. Selon les chiffres présentés jeudi matin par le gouvernement (différents de ceux présentés par la commission des comptes), le déficit du régime général de la « Sécu » (hors FSV) devrait être de 1,6 milliard d’euros cette année, en nette amélioration par rapport à 2016, où il était de 4,1 milliards d’euros. C’est cependant bien loin des prévisions de l’ancienne ministre de la santé Marisol Touraine qui, il y a un an, promettait la disparition du « trou de la Sécu » en 2017, avec seulement 400 millions d’euros de déficit.

  • La branche famille repasse dans le vert

Le FSV, déficitaire de 3,6 milliards en 2017, continue de plomber les comptes. En prenant en compte celui-ci, la « Sécu » présenterait un déficit total de 5,2 milliards d’euros (contre 7,8 il y a un an). Si le chiffre reste mauvais, la tendance est bonne.

Dans le détail, toutes les branches du régime général présentent une amélioration de leur situation financière et trois d’entre elles (accidents du travail, famille et vieillesse) afficheraient des soldes positifs. La branche famille repasserait dans le vert pour la première fois depuis dix ans, grâce notamment à la modulation des allocations familiales introduites par François Hollande.

Avec 4,1 milliards de déficit, soit 700 millions d’euros de moins qu’il y a un an, l’Assurance-maladie affiche son meilleur résultat depuis 2001. Dans un rapport publié quelques jours avant la présentation du PLFSS, la Cour des comptes avait souligné que son retour à l’équilibre devait rester « une priorité majeure ».

  • Une dégradation de la branche vieillesse

En 2018, le gouvernement veut aller encore bien plus loin et prévoit un régime général, hors FSV, excédentaire, à 1,2 milliard d’euros grâce aux branches accidents du travail, vieillesse et famille excédentaires.

La branche vieillesse connaîtrait cependant une dégradation, passant d’un excédent de 1,3 milliard à 200 millions d’euros. La Cour des comptes anticipait une « dégradation des projections démographiques » en raison notamment d’une diminution du solde migratoire et d’une révision à la hausse de l’espérance de vie des hommes.

  • Plus de 4 milliards d’économies à réaliser en 2018

Reste que l’Assurance-maladie continue d’être « l’homme malade » de la Sécu, même si, au ministère de la santé, on assure qu’il l’est « de moins en moins ». L’exécutif ambitionne de réduire son déficit à seulement 800 millions d’euros en 2018, ce qui nécessitera d’importantes nouvelles économies. Des efforts supplémentaires qui seront sans doute douloureux pour un système de santé déjà mis sous forte pression budgétaire depuis plusieurs années.

Il faudra ainsi économiser 4,2 milliards d’euros l’an prochain. Un effort gigantesque. Cela devrait être réalisé sur les mêmes postes que les années précédentes : médicaments et dispositifs médicaux (1,4 milliard d’euros), structuration de l’offre de soins (1,4 milliard), pertinence et qualité des actes (335 millions d’euros). Avec 200 millions d’euros supplémentaires attendus, la hausse du forfait journalier apportera cependant une bouffée d’oxygène aux hôpitaux.

L’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam), qui sert à piloter les comptes, est légèrement desserré à 2,3 % (contre 2,1 % en 2017 et 1,75 % il y a deux ans), ce qui représente 4,4 milliards de dépenses supplémentaires pour le système de santé qui connaît chaque année une croissance naturelle en raison notamment du vieillissement de la population.

Cette augmentation de l’Ondam s’explique également par la nécessité de financer près de 900 millions d’euros supplémentaires dans le cadre des revalorisations engagées en 2016 en direction des médecins ou des personnels hospitaliers.

  • Vers un paquet de cigarettes à 10 euros

Pour venir à bout du déficit de l’Assurance-maladie, la fiscalité du tabac est en nette hausse et devrait rapporter l’année prochaine 510 millions à la branche maladie de la « Sécu ».

Le calendrier a déjà été annoncé : les fumeurs devraient constater une hausse moyenne du prix de leur paquet de 35 centimes d’ici la fin de l’année, puis une hausse de un euro en mars. Deux hausses qui constitueront une étape vers le paquet de cigarettes à 10 euros fin 2020.

Dans le projet de loi, outre l’extension de l’obligation vaccinale pour les enfants de moins de 2 ans au 1er janvier 2018, figurent également plusieurs mesures emblématiques du programme du candidat Macron.

  • Une hausse de la CSG en deux temps

La contribution sociale généralisée (CSG) va augmenter de 1,7 point au 1er janvier 2018. L’objectif est de compenser la suppression des cotisations chômage et maladie pour les salariés du privé. Cette baisse, qui devait à l’origine intervenir intégralement début 2018, sera finalement mise en œuvre en deux temps, au 1er janvier et au 1er octobre. Un décalage dans le temps qui permettra de rapporter 3,7 milliards d’euros.

  • La disparition du RSI

La transformation du CICE en allégement pérenne de charges patronales n’interviendra qu’en 2019 mais sera inscrite dès le PLFSS 2018. Le surcoût lié à la majoration du CICE, de 6 % à 7 % au titre de 2017 (versé en 2018), coûtera 4 milliards d’euros et son équivalent pour les associations, 0,6 milliard.

Le PLFSS gravera par ailleurs dans le marbre la disparition du Régime social des indépendants (RSI). Ce dernier sera supprimé à partir du 1er janvier 2018, mais avec une « période transitoire » de deux ans pour intégrer les indépendants au régime général, dont bénéficient les salariés. Quelque 6,6 millions de personnes – actifs, retraités et leurs proches – sont concernées.

  • Le minimum vieillesse revalorisé

Quant à l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), ex-minimum vieillesse versé aux plus modestes, elle sera augmentée en trois fois pour atteindre 100 euros de plus par mois en 2020. La hausse de 35 euros qui interviendra dès 2018 coûtera 115 millions d’euros.

En revanche, les autres retraités ne verront pas leurs pensions augmenter de 0,8 % au 1er octobre 2018. Cette revalorisation a été repoussée au 1er janvier 2019, ce qui permettra d’économiser 400 millions d’euros en 2018.