Manifestation pour l’indépendance de la Catalogne, à Barcelone, le 10 septembre. / EMILIO MORENATTI/AP

Ils ont profité de la libre circulation pour aller étudier à l’étranger, rejoindre un conjoint, chercher du travail, et finir par s’installer. Mais les Catalans de Paris s’interrogent sur l’avenir européen de la Catalogne. Bruxelles a été clair : un nouvel Etat devra faire une demande d’adhésion à l’Union européenne. Le divorce avec l’Espagne pourrait-il remettre en cause leur condition d’expatriés ? Plusieurs Catalans rencontrés à Paris répondent.

Pour Chantal Sobrino, qui vit depuis onze ans à Paris, l’avenir européen de la Catalogne ne fait aucun doute : « On ne peut pas envisager la Catalogne comme ne faisant pas partie de l’Union européenne, c’est une terre d’ouverture, de tolérance. » Fervente indépendantiste, cette enseignante du supérieur avoue certes une « appréhension, comme on peut en avoir envers quelque chose d’inconnu », mais elle ne craint pas pour son avenir : « Bien sûr, il y aura des négociations, mais nos dirigeants et nos institutions y sont prêts. Cela fait des générations que nous attendons l’indépendance, nous sommes beaucoup mieux préparés que le Royaume-Uni avant le Brexit. »

Le Brexit, c’est justement le chiffon rouge qu’agite Pau, un réalisateur de films publicitaires installé en France depuis six ans, qui ne veut pas que l’on publie son nom. Unioniste convaincu, il n’ira pas voter, car il estime que la campagne n’a pas été menée de manière équitable. Il craint que, comme les Britanniques à propos de l’immigration, les Catalans se prononcent sur un ou deux sujets majeurs, sans vision d’ensemble : « Ils vont majoritairement voter pour une reconnaissance culturelle et contre les prélèvements économiques de Madrid. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de projet derrière : certains veulent absolument rester dans l’Union européenne, d’autres veulent la quitter… Je trouve ça dangereux. »

« Risque de désillusions »

Le front pour l’indépendance est en effet composite. La coalition qui organise le référendum regroupe en effet deux partis principaux, l’un de centre-droit, l’autre de gauche, auxquels s’ajoutent deux formations plus minoritaires. Tous ont oublié leurs oppositions passées pour mener la Catalogne vers l’indépendance. Pour gouverner, cette large alliance a eu besoin des voix de la Candidature d’unité populaire (CUP), parti anticapitaliste et europhobe.

Meritxell Sacasas, kinésithérapeute dans des hôpitaux parisiens se sent proche de la CUP. Installée dans la capitale depuis deux ans, seule indépendantiste de sa famille, elle se prépare pourtant à des lendemains difficiles en cas de divorce avec l’Espagne : « Beaucoup de personnes vont voter en pensant que l’indépendance est la solution à tous nos problèmes, mais il risque d’y avoir des désillusions au vu des idéologies différentes des partis indépendantistes. » Pour elle, « si on ne revient pas dans l’Europe, ce n’est pas si grave ». Elle cite en exemple la mauvaise gestion de la crise migratoire et les politiques d’austérité.

C’est d’ailleurs la crise économique qui l’a poussé à venir en France. Meritxell Sacasas avait commencé à travailler chez elle, en banlieue de Barcelone, mais elle dit gagner mieux sa vie maintenant qu’elle est à Paris – tout en ayant des journées moins denses. Elle n’envisage donc pas de rentrer une fois l’indépendance proclamée, mais nuance son hostilité envers l’Union européenne : « C’est vrai qu’être à l’intérieur a quand même des avantages. Si on sort de l’UE, ce sera peut-être plus compliqué pour moi de rester travailler ici », reconnaît-elle. Cela dit, pas de quoi remettre en cause son vote, elle aura « toujours le temps de se tourner vers un autre parti si l’indépendance est votée ».

Oriol Pérez non plus ne changera d’avis. Responsable des réseaux sociaux sur un site de paris sportifs, il ira voter pour l’indépendance, chez lui, à Ripoll. Mais il en est convaincu, ce n’est pas en Catalogne que l’appartenance à l’UE se réglera : « Est-ce que l’Union européenne peut se permettre de perdre Barcelone ? Je ne sais pas. » Mais cela ne l’empêchera pas de voter.