A Lleida,en Catalogne, des militants indépendantistes collent, devant des membres de la police catalanes, des affiches interdites appelant à voter au référendum du 1er octobre. / GEORGES BARTOLI / DIVERGENCE POUR "LE MONDE"

Editorial du « Monde ». L’Espagne est au bord d’une des plus graves crises politiques que le pays ait connues depuis longtemps. Il faut remonter à la tentative de coup d’Etat de 1981 contre la jeune démocratie espagnole pour trouver une situation aussi difficile de l’autre côté des Pyrénées. Il faut aussi comprendre que ce qui se joue, dimanche 1er octobre, avec le référendum sur l’autodétermination de la Catalogne, concerne l’ensemble de l’Union européenne.

Tout est éminemment respectable chez les Catalans qui défendent leur singularité nationale. La Catalogne, c’est une histoire, une langue, un dynamisme économique, une créativité artistique propres. Elle fut aux avant-postes dans la lutte contre la dictature franquiste. Elle est au premier rang dans les succès économiques de l’Espagne. Les Catalans n’ont pas une identité à affirmer, elle est évidente. Mais faut-il pour qu’elle soit encore davantage reconnue au sein de l’ensemble espagnol que la Catalogne aille jusqu’à proclamer unilatéralement son indépendance ?

Tel est l’objectif affiché par la toute petite majorité au pouvoir, dans l’actuel gouvernement régional, en organisant le référendum de dimanche. A l’en croire, si le oui l’emporte, le Parlement régional sera tenu, quel que soit le niveau de la participation électorale, de proclamer « l’indépendance » de la Catalogne.

Le gouvernement de Madrid est parfaitement fondé à déclarer ce scrutin illégal. Tous les tribunaux constitutionnels du pays en ont jugé ainsi. Il est contraire à la Constitution démocratique de 1978 approuvée par la quasi-unanimité des Catalans. Les trois quarts des élus au Parlement national, les Cortes, de droite ou de gauche, y sont opposés.

L’esquisse de droit international existant en la matière défend le droit à l’autodétermination d’une minorité nationale face au colonialisme ou, comme c’est le cas pour les Kurdes, face à un gouvernement central qui l’opprime par le meurtre, la force et la torture. Les Catalans ne sont ni colonisés ni opprimés – encore moins menacés de génocide, comme l’ont été les Kurdes d’Irak du temps de Saddam Hussein. Vu de l’extérieur, le peuple catalan présente l’une des faces les plus réussies de l’Espagne d’aujourd’hui.

C’est l’intelligence qui doit gagner

Enfin, qu’il s’agisse du Québec, au Canada, ou de l’Ecosse, au Royaume-Uni, toutes les consultations d’autodétermination d’une minorité nationale au sein d’un Etat démocratique ont été organisées en accord avec le gouvernement central de celui-ci. Alors, de même que l’on prend acte du désir de nombre de Catalans de voir davantage reconnue leur singularité, on comprend ­celui de Madrid de faire respecter la légalité. Mais plus le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, a la main lourde en Catalogne, plus il grossit les rangs des indépendantistes.

La crise de 2008 a saigné l’Espagne. Elle a aussi nourri la revendication indépendantiste au sein d’une Catalogne qui a eu le sentiment de contribuer plus que les autres provinces au redressement du pays. Le référendum ne servira pas à grand-chose. Il déstabilise un pays en pleine reprise économique. Il ne sera reconnu ni par Madrid ni par les autres capitales de l’Union européenne.

Il reste deux jours, et une solution : la politique. Négocier pour en revenir à ce statut d’autonomie extrêmement avancé reconnu à la Catalogne en 2006 et annulé par le Tribunal constitutionnel en 2010. C’est l’intelligence qui doit gagner. Il n’en manque pas en Catalogne.

Pourquoi les Catalans souhaitent-ils être indépendants ?
Durée : 03:38