Narendra Modi, le premier ministre indien, Pierre Gattaz, le président du Medef, et Laurent Fabius, le ministre des affaires étrangères d’alors, au siège de l’organisation patronale à Paris en 2015. | ERIC PIERMONT / AFP

Le charme de Narendra Modi agit parfois dangereusement sur ses visiteurs. Après une longue entrevue avec le premier ministre de l’Inde, mardi 26 septembre, Pierre Gattaz était sur un petit nuage. « Cet homme est sérieux, vif, concentré sur sa promesse de développer l’économie de son pays, nous a-t-il confié, il est comme Macron. »

Le président du Medef effectue cette semaine une tournée dans le sous-continent, accompagné d’une cinquantaine de patrons de PME et de grands groupes comme Airbus, BNP Paribas, Bolloré, EDF, Engie ou Michelin. « Nos deux pays sont dirigés par des hommes performants et prometteurs qui font confiance aux entreprises pour créer de l’activité et de l’emploi », explique M. Gattaz. En France, se félicite-t-il, « le président Macron est favorable au libre marché », pendant qu’en Inde, M. Modi est en train de « simplifier l’environnement des affaires ».

Le patron des patrons français trouve que le gouvernement nationaliste hindou de Narendra Modi a pris une décision « cruciale » pour l’avenir de l’Inde en établissant cet été une TVA unifiée. Et il applaudit à la démonétisation qui a fait subitement disparaître, fin 2016, la quasi-totalité de l’argent liquide en circulation, dans un pays où 90 % de l’économie est informelle. « C’est excellent pour lutter contre la corruption », estime-t-il.

Les patrons indiens critiquent la politique économique

L’ennui, c’est que M. Gattaz n’est pas du tout en phase avec les patrons indiens, lesquels sont de plus en plus nombreux à critiquer la politique économique actuelle. Ces derniers jours, le président de Larsen & Toubro, leader du BTP, a déclaré que les entreprises privées étaient tellement endettées qu’elles n’avaient plus les moyens d’investir. Le directeur exécutif d’Hindustan Unilever s’est plaint d’une demande de biens de consommation « atone » dans les campagnes. Quant à la patronne de SBI, première banque publique du pays, elle a prédit que le ralentissement allait durer.

Au printemps, la croissance indienne est tombée à 5,7 % en rythme annuel, contre 9,1 % début 2016. Quant aux créations d’emplois, que M. Modi promettait d’offrir à ses concitoyens par vagues de 10 millions par an, elles ont rarement été aussi faibles (231 000 en 2016).

Mercredi 27 septembre, Yashwant Sinha, ancien ministre des finances, a jeté un pavé dans la mare en affirmant dans The Indian Express que l’économie indienne était prise « dans une spirale descendante », à cause de la TVA et de la démonétisation. Un diagnostic d’autant plus sévère que l’intéressé est membre du parti au pouvoir, le BJP de M. Modi. Gageons que M. Gattaz attend autre chose de la France d’Emmanuel Macron.

(Intérim)