Salon de la rentrée étudiante, porte de Champerret, septembre 2017.

L’orientation scolaire est une période anxiogène à la fois pour les étudiants, lycéens et collégiens qui doivent faire des choix, mais aussi pour leurs parents. C’est à eux que s’adresse la psychologue et coach en transition professionnelle Juliette Abadie dans son ouvrage Au secours mon ado s’oriente !, sorti au mois de septembre. Rencontre.

  • Vous dites que pour bien accompagner son enfant dans son orientation, le parent doit apprendre à « porter les lunettes générationnelles ». C’est-à-dire ?

Le rapport à l’orientation dépend beaucoup du rapport au travail à un moment donné. La génération des 35-49 ans est arrivée dans le monde du travail dans une période de crise économique, contrairement à la précédente. Nos parents nous disaient : « Forme-toi à un métier, le plus longtemps possible, jusqu’au bac + 5 s’il le faut, pour décrocher le Graal du CDI dans une entreprise et vivre bien. » Sauf que la génération qui suit a vu les limites de ce modèle porté par la peur de ne pas trouver de travail : leurs parents ou grands-parents qui pouvaient se faire licencier du jour au lendemain, l’épanouissement professionnel pas toujours au rendez-vous, etc. La « génération Y » [les personnes nées entre 1980 et 2000], et la « Z » qui suit, n’ont donc pas confiance dans cet univers du travail. Ils vivent avec l’angoisse de ne pas se faire plaisir dans leur métier. Mais ils pensent être capables d’y arriver en ayant, s’il le faut, une trajectoire moins rectiligne que leurs parents. C’est une réalité à prendre en compte lorsqu’on accompagne son enfant dans son orientation.

  • Comment ne pas projeter ses envies, ses peurs, ses frustrations, sur l’orientation de son enfant ?

En balayant devant sa porte, en prenant conscience de sa propre histoire. « Comment s’est passée mon orientation à moi ? » « Ai-je été influencé par mes parents ? » « Etaient-ils désengagés ou trop impliqués ? » « Est-ce que j’ai pris plaisir dans mes études, dans mon travail ? » Se poser ces questions basiques permet de trier ce qui nous a convenu ou pas, ce qui est reproductible ou non dans le contexte de son enfant. Il faut ensuite parler de cette histoire avec lui, raconter sa trajectoire professionnelle afin qu’elle lui serve de modèle positif ou pour mieux lui expliquer ses propres zones d’inconfort. C’est aussi un moyen de créer une alliance avec lui, de lui rappeler que vous avez aussi connu, à votre manière, les difficultés qu’il vit, de se mettre à côté de lui, dans un rapport d’horizontalité, qui conseille, et non de verticalité, qui prescrit, voire impose.

  • Coach, psychologue, parents, conseiller d’orientation : les parents doivent-ils être tout cela à la fois ?

Dans cet objectif de se mettre « à côté de » son enfant, il faut absolument lui expliquer que le job d’accompagnateur de l’orientation va être différent de celui de parents. Cela permet de se mettre dans une posture de confiance. Mais vous restez le parent : il va donc falloir, dans ce cadre apprendre à gérer vos propres émotions, ne pas paniquer au sujet de l’orientation de votre enfant, ni lui transmettre un stress qu’il a déjà.

Le parent doit expliquer à son adolescent qu’il a confiance dans sa capacité à trouver sa voie, et qu’il peut compter sur lui dans ce cadre. Le rôle du parent est d’apprendre à renvoyer au jeune ce qu’il est en train de dire, de vivre ou de ressentir, de faire un effet-miroir devant lequel le jeune peut se voir et comprendre qui il est. Et donc ce qu’il veut faire.

  • Comment, concrètement, aider son enfant à être acteur de son orientation ?

Il est important de prendre en compte que le temps de l’adolescent ou du jeune n’est pas le même que celui de l’adulte. Il faut donc fixer dans le temps des objectifs contraints par rapport à cette orientation, l’aider à bloquer un moment pour qu’il pense son orientation. Mais aussi programmer des temps communs où l’on va pouvoir la penser ensemble. C’est, par exemple, dire : « Il y a les inscriptions dans l’enseignement supérieur qui commencent en janvier, je te propose que l’on aille tous les deux à tel salon étudiant, ou que tu prennes rendez-vous avec une conseillère d’orientation. »

Peut-être qu’il ne trouvera pas tout de suite son chemin, mais cela ouvre des espaces de discussion et de réflexion. Mais cela permet aussi d’avoir des objectifs mesurables, atteignables, de rendre concret et matérialiser le processus d’orientation lorsque le flou peut régner.