« Les 10 % les plus riches voient leurs revenus augmenter de 1 200 euros par an, alors que les 10 % les plus pauvres voient leurs revenus baisser de 330 euros par an. » Au micro de France Info, lundi 25 septembre, la porte-parole de l’organisation non gouvernementale Oxfam a exposé des chiffres spectaculaires sur « l’injustice de la réforme fiscale » portée par le gouvernement.

Oxfam, qui lutte contre la pauvreté, vient de publier un rapport dénonçant des réformes qui auraient pour finalité de diminuer le revenu des plus pauvres tout en augmentant fortement celui des plus riches. L’ONG a notamment produit un tableau, très repris à gauche, de Benoît Hamon au député de la France insoumise, François Ruffin :

Ce tableau contient deux colonnes. Dans l’une, les mesures annoncées par le gouvernement et aboutissant à une hausse de pouvoir d’achat (suppression de taxe d’habitation, diminution de cotisations sociales…), détaillées selon diverses classes sociales, des 10 % les plus pauvres aux 10 % les plus riches.

Dans l’autre, l’effet de ces mêmes mesures, mais en y ajoutant un autre volet, qui conduit à voir les gains de pouvoir d’achat se transformer en pertes, du moins pour les plus modestes et les personnes au revenu médian. Les plus riches, eux, voient leurs gains diminuer, mais rester largement positifs.

Le tableau issu du rapport Oxfam / Oxfam

Pourquoi c’est discutable ?

Comme l’ont montré nos confrères de Libé Désintox, ce n’est pas Oxfam qui a produit ses chiffres, mais l’Office français des conjonctures économiques (OFCE), dans un rapport publié fin juillet. Ce rapport, un « policy brief », tente de mesurer l’impact des mesures annoncées par le gouvernement.

Le rapport dénonce le fait que les mesures annoncées ne sont pas financées. Il estime à 9,1 milliards d’euros la somme nécessaire à leur mise en œuvre. Et ce sont ces 9,1 milliards que l’OFCE enlève des calculs du gouvernement.

L’institut, qui reconnaît largement que ce sont les plus riches qui bénéficieront le plus des mesures fiscales nouvelles, recourt à des simulations utilisant des programmes économétriques pour calculer l’impact, positif ou négatif, pour différentes catégories de revenus. Il prend en fait deux hypothèses différentes :

  • dans la première, il imagine que le financement de ces mesures se fait par un impôt proportionnel au revenu ;
  • Dans la seconde, il imagine que le financement se fait par une baisse des prestations sociales (allocations logement, maladie, chômage, etc.).

Il en résulte ce tableau, qui présente les effets de ces deux projections selon les niveaux de revenus :

Tableau extrait d'un rapport de l'OFCE

Voici ce que donnent ces hypothèses présentées sur un graphique :

On le voit, Oxfam a choisi de prendre l’hypothèse la plus « spectaculaire » (en rouge sur le graphique), notamment en termes de perte de revenus pour les plus modestes. L’autre hypothèse (en jaune sur le graphique) aboutit à plus de « neutralité » et à des pertes moindres.

Or, si l’OFCE estime que la baisse de prestations sociales est l’hypothèse qui a le plus de chances d’être appliquée, il se garde d’en faire une certitude : rien ne dit que le gouvernement ne trouvera pas d’autres pistes de financement.

Autre choix de l’ONG, celui de représenter les calculs OFCE sous une forme monétaire, là encore plus « spectaculaire ». Il est pourtant logique qu’un gain de pouvoir d’achat de 1 % représente plus d’argent pour une personne aisée que pour une personne modeste.

Voici les mêmes hypothèses de l’OFCE, représentées cette fois en pourcentage et non en valeur monétaire. Là encore, l’hypothèse retenue par Oxfam reste la plus spectaculaire :

L’ONG n’a cependant pas tort sur le fond : l’OFCE fait le même constat et note bien des « résultats positifs pour les ménages plus aisés », notamment les personnes se situant dans les 1 % les plus riches, qui bénéficient à plein des mesures. Mais il est dommage de ne retenir d’une étude que les chiffres les plus spectaculaires pour servir son argumentation.