Après plus d’un siècle de lutte armée, la Colombie a franchi une nouvelle étape vers la paix dimanche 1er octobre. A minuit, le premier cessez-le-feu bilatéral de son histoire avec l’Armée de libération nationale (ELN), dernière guérilla du pays, est entré en vigueur.

Temporaire dans un premier temps, cette trêve court jusqu’au 9 janvier et pourra être prolongée. Mais elle est hautement symbolique. L’ELN n’avait jamais accepté d’interrompre les hostilités depuis qu’elle avait pris les armes, en 1964, après une insurrection paysanne.

L’accord avait été conclu le 4 septembre dans le cadre des négociations de paix menées à Quito, dans l’Equateur voisin, pour mettre un point final au plus vieux conflit du continent. « A partir de cet instant, l’ELN respectera complètement le cessez-le-feu bilatéral », a confirmé l’ELN dans un tweet dimanche.

Le cessez-le-feu intervient après un processus similaire avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) : de l’arrêt des combats au désarmement, l’ancienne principale guérilla du pays, forte de 7 000 combattants, est aujourd’hui transformée en parti politique légal.

Contexte tendu

Mais le contexte est particulièrement tendu. Ces derniers mois, l’ELN a multiplié les opérations contre l’armée et la police, tuant ou blessant 47 membres des forces de l’ordre depuis janvier, selon les autorités. La guérilla s’en est aussi prise à l’un des principaux oléoducs du pays, polluant une bonne partie des rivières de la zone frontalière du Venezuela.

Samedi, le chef négociateur du gouvernement, Juan Camilo Restrepo, a condamné la « charge insensée » de la guérilla et a dit espérer que l’ELN « tienne sa parole » et efface la « mauvaise image et l’incrédulité » qu’elle suscite.

De leur côté, les forces de l’ordre ont aussi mené des opérations jusqu’au dernier moment, et l’un des chefs de la guérilla a été abattu samedi, peu avant le début de la trêve, a annoncé l’armée.

Signe de cette crispation ambiante, le chef suprême de l’ELN, Nicolas Rodriguez, alias « Gabino », a appelé vendredi ses hommes à respecter la trêve à compter de dimanche à minuit. « J’ordonne à toutes les troupes, sur l’ensemble du territoire national, de cesser tout type d’activités offensives afin de respecter pleinement le cessez-le-feu bilatéral », a-t-il déclaré dans une vidéo diffusée par l’ELN sur son compte Youtube.

« Je n’ai aucun doute sur votre loyauté pour respecter cet engagement dans tous ses aspects », a lancé Nicolas Rodriguez à ses troupes.

De son côté, le président colombien Juan Manuel Santos a estimé que, pendant la durée de la trêve, « l’ELN [devait] arrêter de commettre des enlèvements, de recruter des mineurs, de poser des mines, d’attaquer [les] infrastructures ». « Et, bien sûr, elle doit cesser toute action offensive contre nos forces armées et de police », a ajouté le dirigeant, qui s’adressait à l’armée avant le début de la trêve.

Quant à l’armée elle a reçu instruction, par décret, de suspendre ses opérations contre les rebelles.

Une trêve « fragile »

Après l’accord historique signé en novembre 2016 avec la guérilla des FARC, M. Santos, qui quitte le pouvoir en août 2018, entend parvenir à une « paix complète » pour son pays, déchiré par une guerre fratricide qui a fait au moins 260 000 morts, plus de 60 000 disparus et environ sept millions de déplacés.

Pour sa part, la guérilla exige du gouvernement de meilleures conditions pour ses quelque 450 membres emprisonnés et le renforcement de la protection des leaders d’associations et défenseurs des droits de l’homme. Quelque 190 d’entre eux ont été assassinés depuis janvier 2016, la plupart par d’ex-paramilitaires.

Le cessez-le-feu sera vérifié par un comité composé de représentants de l’ONU, du gouvernement, des rebelles et de l’Eglise catholique. Mais certains observateurs jugent que la trêve avec l’ELN pourrait être plus fragile que celle conclue avec les FARC. En effet, cette dernière a toujours eu une organisation verticale, tandis que l’ELN possède une structure plus « fédérée », chaque front ayant son mot à dire.

Ceci « confère une grande autonomie opérationnelle (…) à ses blocs », a expliqué Jorge Restrepo, directeur du Centre d’études et de recherches pour l’analyse du conflit (Cerac), à l’Agence France-Presse.

Au fil des décennies, le conflit en Colombie a impliqué une trentaine de guérillas de gauche, des milices paramilitaires démobilisées en 2006 et les forces de l’ordre