Membre d’un gouvernement qui, comme tous les autres au sein de l’Union européenne, soutient officiellement la position de Madrid mais en même temps très favorable à l’indépendance de la Catalogne qui organise un référendum interdit dimanche 1er octobre, l’Alliance néo-flamande (N-VA) est contrainte au grand écart. Le parti de Bart De Wever se déchire entre sa participation au pouvoir fédéral belge et son objectif à terme : la séparation de la Flandre et de la Belgique.

Certains de ses membres de premier plan étaient à Barcelone, dimanche, pour soutenir la cause indépendantiste. D’autres exercent, à Bruxelles, des fonctions régaliennes au sein d’une coalition dont la principale composante francophone, le Mouvement réformateur (MR, libéral) du premier ministre Charles Michel, résume la question catalane à « un conflit interne à l’Espagne ».

Intenable ? Bart De Wever a tenté de concilier les points de vue qui divisent sa formation, dont la prétendue tiédeur est dénoncée par la frange la plus dure du mouvement nationaliste et par le Vlaams Belang, une formation séparatiste et xénophobe qui regagne du terrain au détriment du parti dirigé par le maire d’Anvers.

« L’attitude de Madrid est stupide et inacceptable. Laissez les Catalans voter », écrivait ainsi sur Twitter M. De Wever en début de semaine. Un message jugé trop ambigu par une partie des cadres du parti, qui espéraient un soutien plus clair au pouvoir en place à Barcelone.

« Deux nations sur la voie de l’indépendance. »

Il y a deux ans, Jan Jambon, figure de premier plan de la N-VA et ministre fédéral de l’intérieur depuis 2014, semblait indiquer qu’un « oui » catalan à l’indépendance aurait des conséquences directes sur la vie politique belge. M. Jambon a toujours estimé que sa région et celle que dirige Carles Puigdemont étaient « deux nations sur la voie de l’indépendance ».

Interrogé au cours des derniers jours, il se refuse désormais à « spéculer » et son entourage déclare qu’il ne convient pas de « créer des problèmes avant qu’ils ne se posent ». À savoir déterminer quelle serait la position officielle de la Belgique à l’égard d’une éventuelle déclaration d’indépendance catalane.

Dans l’attente, le parti a hissé, depuis quelques jours, le drapeau républicain jaune et rouge de la région espagnole sur sa façade et ses porte-parole confirment que la position officielle reste « oui à l’autodétermination des peuples ». Même si elle a mis sous le boisseau sa revendication séparatiste au profit d’une autre stratégie, dite de « l’évaporation » - à savoir gérer en douceur la séparation des Wallons et des Flamands en investissant le niveau fédéral - la N-VA ne peut pas se priver des voix des « flamingants » les plus radicaux. Sous peine de perdre son leadership et, en bout de course, de devoir renoncer à son projet d’autonomie complète.

Sortir de l’ambiguïté

« Vous voyez bien que la N-VA est devenue un parti bipolaire », souligne Hendrik Vuye, député dissident de la formation nationaliste. Ce professeur de droit constitutionnel à l’Université (wallonne) de Namur dénonce l’ambiguïté d’un parti qui, dit-il, défend la cause catalane mais « n’ose rien dire au sein du gouvernement [fédéral] ». Au parlement régional de Flandre, le groupe N-VA a tenté récemment de faire voter une motion dénonçant « la répression » exercée par Madrid en Catalogne. Ses alliés du parti chrétien démocrate CD & V s’y sont opposés.

Le chef du gouvernement fédéral, Charles Michel, n’est pas plus à l’aise. Lui qui a fait le pari de pactiser avec la N-VA pour sortir le royaume d’une crise inextricable s’est exprimé avec une évidente prudence sur le dossier catalan. « C’est une affaire interne espagnole. Si la question se pose au niveau européen, je défendrai certainement un point de vue », a-t-il indiqué en marge du sommet de Tallinn, auquel il participait, jeudi 28 et vendredi 29 septembre.

L’avenir de sa coalition pourrait, en tout cas, être déterminé par la suite des événements en Espagne. Pour beaucoup d’observateurs belges, une déclaration unilatérale d’indépendance prononcée par la Catalogne obligerait M. De Wever à sortir de l’ambiguïté et à soutenir officiellement ce projet. Ce qui ne manquerait pas de créer une situation intenable pour les autres partis néerlandophones et pour la formation de M. Michel.

Pourquoi les Catalans souhaitent-ils être indépendants ?
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