Sur la place de la Catalogne à Barcelone, pendant l’allocution télévisée du premier ministre espagnol Mariano Rajoy, le 1er octobre. / CESAR MANSO / AFP

« Ce qui a eu lieu n’est ni un référendum ni une consultation et n’aura aucun effet. » Mariano Rajoy réagissait ainsi au scrutin convoqué par le gouvernement catalan… le 9 novembre 2014. La question était déjà celle de l’indépendance.

Presque trois ans plus tard, le premier ministre espagnol a repris ses déclarations, presque mot pour mot, pour faire face au nouveau défi lancé par Barcelone. « Il n’y a pas eu de référendum d’autodétermination », a-t-il insisté, dimanche soir 1er octobre, depuis sa résidence de La Moncloa.

Depuis qu’il est arrivé au pouvoir, en 2011, M. Rajoy a toujours répété qu’il s’opposerait fermement à toute réforme de la Constitution de 1978 et à renégocier les relations entre le gouvernement central et les dix-sept communautés autonomes. Mais si sa position reste inchangée, les circonstances politiques, elles, ne sont plus du tout les mêmes.

En 2014, les conservateurs du Parti populaire (PP) disposaient d’une majorité absolue au Parlement espagnol. Deux élections plus tard (en décembre 2015 et juin 2016), ils gouvernent mais en minorité.

Rajoy « est tombé dans le piège »

Dans son bras de fer avec le gouvernement de Carles Puigdemont, le premier ministre espagnol n’a trouvé d’autre allié, hormis les centristes anti-indépendantistes de Ciudadanos, que Pedro Sanchez, la tête de file des socialistes avec lequel il ne s’est jamais entendu et qui a maintes fois demandé sa démission.

Dimanche soir, M. Sanchez, lui-même fragilisé au sein de son propre parti, le PSOE, n’hésitait pas à critiquer M. Rajoy, qu’il a jugé « responsable » au même titre que M. Puigdemont « des images que nous avons vues » de débordements policiers. « Il n’y a rien de pire pour aborder un problème que de ne rien faire », ajoutait M. Sanchez.

« Tout ce qui s’est passé était largement prévisible, estime Pablo Simon, politologue du think tank Politikon. C’est pourquoi les incidents qui se sont produits sont difficilement explicables. L’image du gouvernement est sérieusement entamée. »

Le premier ministre « est tombé dans le piège des indépendantistes, ajoute M. Simon, mais il n’avait pas trop le choix après la décision du Parlement catalan d’approuver la loi de déconnexion. » Votée le 7 septembre, elle prévoit la rupture immédiate avec l’Espagne si le oui l’emporte au référendum.

« Dimanche, les indépendantistes ont gagné la bataille de la communication, à partir de lundi ils vont devoir prendre des décisions et ça va être beaucoup plus difficile », estime Jordi Alberich, directeur du Cercle de l’économie, le think tank des patrons catalans.

« Dangereuse inaction »

Dans son allocution, M. Rajoy s’est montré disposé à renouer le dialogue. Mais avec qui ? Car pour lui, ni M. Puigdemont ni Oriol Junqueras, le vice-président du gouvernement catalan et leader de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), ne sont maintenant des interlocuteurs valides.

Le porte-parole du gouvernement espagnol, Inigo Mendez de Vigo, l’annonçait déjà le 29 septembre : « M. Puigdemont a montré une grande déloyauté vis-à-vis de l’Etat et de la société catalane. » « Il n’existe aucun dialogue possible avec des autorités qui ont violé leurs propres lois, répète-t-on à la Moncloa. Nous ne parlerons qu’une fois que la légalité démocratique sera rétablie en Catalogne. »

Dans les prochains jours, le premier ministre espagnol « ne va rien proposer », estime Pablo Simon : « Il pense que c’est au Parlement catalan de prendre l’initiative. Mais cette inaction peut se révéler très dangereuse car à la longue, si personne n’arrive à sortir de l’impasse, cela pourrait remettre en question l’ordre constitutionnel. »

La Moncloa attend, comme l’ont demandé ouvertement les centristes de Ciudadanos, que de nouvelles élections aient lieu en Catalogne dans l’espoir de trouver de nouveaux interlocuteurs. Si M. Puigdemont a déjà annoncé qu’il ne se représentera pas, les sondages prévoient la victoire des républicains de gauche de M. Junqueras.

« Mariano Rajoy espère que ses ennemis vont se saborder, assure Pablo Simon. Mais il a donné l’impression, une fois de plus, d’un dirigeant qui réagit aux événements au lieu de prendre l’initiative. »