Dans une grande surface à Lyon en avril 2017. / Stephane AUDRAS/REA / Stephane AUDRAS/REA

Le premier chantier des Etats généraux de l’alimentation s’achève et des propositions sont désormais sur la table pour tenter de mieux répartir la valeur dans la chaîne agroalimentaire.

  • Mieux contractualiser les relations commerciales entre producteurs et industriels 

L’idée serait d’appliquer les règles contractuelles régies sur l’aval de la filière. Dans la relation entre industriels et distributeurs, les premiers doivent envoyer aux enseignes, trois mois avant la fin de la période des négociations commerciales, un document établissant leurs conditions générales de vente avec des propositions de tarifs, qui servira de base aux discussions. Rien de tel entre industriels et producteurs : ce sont généralement les industriels qui proposent d’acheter la marchandise à un certain prix. Pour rééquilibrer cette relation, une proposition des Etats généraux vise donc à faire en sorte que le producteur impose ses conditions générales de vente. La volonté est de rebâtir la chaîne de valeur en repartant de l’amont et des coûts de production des agriculteurs.

  • Encadrer les promotions 

Depuis plus de quatre ans, les grandes surfaces se livrent une guerre des prix féroce sur les produits de grandes marques nationales, les seuls qui soient comparables entre les enseignes. Une course folle qu’elles ne peuvent stopper d’elles-mêmes unilatéralement, sous peine de se voir marginaliser et qui nuit à l’ensemble de la filière. Car ces promotions sont pour près de 80 % d’entre elles financées par les industriels, qui répercutent ce grignotage des prix sur leur filière d’achat. L’idée consisterait à encadrer les systèmes de promotion en valeur comme en volume.

En valeur, il s’agirait de s’appuyer sur ce qui avait été fait dans la loi Sapin 2 de 2016, où pour certaines catégories de produits, comme le lait, les œufs, la viande bovine et porcine, les industriels ne peuvent pas consentir des rabais de plus de 30 % du prix. Pour les produits de grande consommation, le seuil pourrait être fixé autour de 34 % par rapport au prix payé par le consommateur, de façon à interdire les promotions de type « Un produit acheté, un produit gratuit ». « Sachant que la promotion la plus répandue actuellement est celle du 3 produits pour le prix de 2, qui représente 20 % des offres », constate Richard Panquiault, directeur général de l’Institut de liaison et d’études des industries de consommation (ILEC).

En volume, l’idée serait de limiter, dans la réglementation, la promotion pour une catégorie, un produit, ou une marque, à 25 % ou 30 % du volume des ventes de l’année. Un seuil qui semblerait néanmoins peu contraignant, puisque, selon l’ILEC, seulement 7 % des catégories de produits de grande consommation dépassent actuellement 25 % de volume en promotion.

  • Relever le seuil de revente à perte 

Actuellement, le seuil de revente à perte, fixé par la loi, est établi à partir du prix de revient du produit majoré de son coût de transport. Il ne tient donc pas compte des coûts de distribution. Afin que les négociations commerciales se déroulent plus sereinement et que la grande distribution ne cherche plus à récupérer d’une manière ou d’une autre ce surcoût, l’idée serait d’intégrer dans le seuil de revente à perte une composante relative aux frais du distributeur estimés entre 10 à 15 %.

  • Définir la notion de déséquilibre significatif 

Source de nombreux contentieux entre fournisseurs et distributeurs, le principe du déséquilibre significatif s’appuie sur des clauses inscrites dans les contrats commerciaux, comme, par exemple, celles consistant à répercuter les variations du prix des matières premières sur le prix d’achat dans un sens et non dans l’autre. La grande distribution souhaite que cette notion de déséquilibre significatif soit clarifiée, et précisé dans les textes.

  • Mieux définir la notion du juste prix et du prix abusivement bas 

Les professionnels sont relativement unanimes pour constater que la notion de prix prévisionnel moyen qui devait, avec la loi Sapin 2, indiquer le prix proposé par les industriels aux producteurs dans les contrats avec la grande distribution n’est pas appliquée, tant elle est complexe à calculer et dévoile des secrets de concurrence. Quel serait ainsi l’intérêt d’une grande marque à dévoiler ses prix d’achat à la grande distribution, si, en tant que fabricant de sa marque de distributeur (MDD), elle doit en négocier les prix quelques mois plus tard. L’idée serait de créer des indices de coût à la production établis par les interprofessions d’une filière, qui permettrait de créer un historique de prix sur lequel les acteurs pourraient s’appuyer.

  • Faire bouger les lignes du droit à la concurrence au niveau européen

Toute réflexion d’une filière ou d’une interprofession sur les prix risque de tomber sous le coup du droit à la concurrence européen. Une situation qui freine la constitution de groupements de producteurs capables de faire le poids face aux industriels et à la distribution. L’idée est de faire bénéficier l’agriculture d’un régime d’exception autorisé par le traité de Rome.