Un Catalan séparatiste manifeste devant la Commission européenne, à Bruxelles, me 2 octobre. / FRANCOIS LENOIR / REUTERS

La Commission européenne, critiquée pour son absence de condamnation des violences policières en Catalogne et son mutisme sur le référendum depuis des semaines, est partiellement sortie de sa réserve, lundi, en appelant les pouvoirs catalan et espagnol à « passer rapidement de la confrontation au dialogue ». Une déclaration minimaliste mais traduisant une inflexion.

Pour la suite des événements, en revanche, Bruxelles n’a élaboré aucun scénario : l’indépendance décrétée par une région serait une première qu’aucun des « pères fondateurs » ou leurs successeurs n’ont jamais imaginée. La Commission s’en tient à sa doctrine : si elle décidait de devenir indépendante, la Catalogne ne resterait pas membre de l’UE et les traités européens ne s’y appliqueraient plus.

Menace de veto

« Elle sera soumise à un processus d’adhésion, comme l’ont été tous les Etats membres qui nous ont rejoints après 2004 », expliquait, à la mi-septembre, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker. Le Luxembourgeois se réfère au principe défini par l’un de ses prédécesseurs, l’Italien Romano Prodi : si un territoire de l’Union acquiert son indépendance, il devient un pays tiers et doit, dès lors, recommencer un processus d’accession.

Et si celui-ci aboutit, il devra être entériné, en bout de ligne, par un vote et une ratification unanimes des Etats membres (après avis de la Commission et du Parlement). Un veto de l’Espagne serait alors évident, comme le soutien que pourraient lui apporter d’autres pays, soucieux d’éviter un précédent qui pourrait entamer leur propre unité et marquer le début de la fin du projet européen, fondé sur le principe de la réunion d’Etats souverains.

En outre, souligne plusieurs juristes, une déclaration unilatérale d’indépendance décidée dans la foulée d’une consultation populaire aussi chaotique que celle de dimanche laisserait peu de chance à une reconnaissance internationale du nouveau régime : le droit à l’autodétermination est certes une composante majeure du droit international, mais n’entraîne généralement la reconnaissance qu’en cas de violations graves des droits humains, de ségrégation raciale, d’une oppression de type colonial, etc.. Difficile à envisager pour le cas catalan.

Pas question, non plus, pour Bruxelles, qui entend privilégier la cohésion du bloc communautaire, de considérer que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes peut supplanter la souveraineté nationale, comme l’affirment certains à Barcelone. « C’est d’ailleurs un principe souvent débattu et parfois très contesté », souligne un juriste de la Commission.

Viabilité de la région

D’autres juristes invoquent, en revanche, le fait que lorsqu’une assemblée est élue démocratiquement, ses décisions sont par essence légitimes. Ils soulignent également que la Cour internationale de justice, l’organe judiciaire des Nations unies établi à La Haye, a indiqué, à propos du Kosovo, qu’aucune règle de droit international n’interdisait une séparation. Le constitutionnaliste belge Hendrik Vuye – favorable à l’indépendance de la Flandre – ajoute qu’un arrêt de la Cour suprême canadienne qui a indiqué, à propos du Québec, que lorsqu’une province entend devenir indépendante, la « loyauté fédérale » exige que les autres régions du pays acceptent une négociation.

Pas de quoi, visiblement, impressionner Bruxelles, quoi qu’objectent des dirigeants catalans. Comme les indépendantistes écossais en 2014 – avant le référendum perdu par ceux-ci –, ils soulignent que leur population ne peut être privée des droits liés à son appartenance actuelle à l’UE et – à juste titre – son long engagement proeuropéen, son adhésion aux valeurs de l’Union, à ses règles et à sa monnaie. Pour les institutions européennes, cela ne garantirait toutefois à la Catalogne, au mieux, qu’un processus d’adhésion un peu accéléré.

Au-delà des aspects institutionnels, d’autres questions se posent sur la viabilité de la région si elle optait pour l’indépendance. Les bonnes performances économiques et industrielles qu’évoquent ses dirigeants sont en bonne partie liées à l’appartenance de la région à l’Union. Or, une exclusion, même temporaire, de l’UE entraînerait aussi une sortie de l’union monétaire, avec une série de conséquences très négatives. Surtout pour une région qui, extraite du cadre espagnol, devrait assumer sa propre dette en plus d’une partie de la dette nationale. Cela porterait son endettement à quelque 130 % du produit intérieur, soit un niveau proche de ceux de l’Italie (132,6 % en 2016) ou du Portugal (130,4).

Pourquoi les Catalans souhaitent-ils être indépendants ?
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