Anne Bert était atteinte de la maladie de Charcot. / Theophile TROSSAT pour "Le Monde"

Elle avait fait de son suicide un combat politique. L’écrivaine Anne Bert est morte, lundi 2 octobre, à l’âge de 59 ans, après avoir reçu une injection létale dans un service de soins palliatifs en Belgique, comme elle en avait publiquement manifesté le souhait à de nombreuses reprises ces derniers mois.

Atteinte de sclérose latérale amyotrophique (SLA), plus connue sous le nom de maladie de Charcot, une maladie neurodégénérative évolutive et incurable qui, petit à petit, l’emmurait vivante, cette auteure de textes érotiques et intimes avait choisi de médiatiser sa décision dans l’espoir de faire évoluer la loi française interdisant l’euthanasie et le suicide assisté.

Elégante, lumineuse, la parole fluide, Anne Bert était longtemps parvenue à donner le change aux visiteurs qu’elle recevait dans sa maison de Fontcouverte, à côté de Saintes, en Charente-Maritime. Dans sa dernière phase, la maladie, qu’elle qualifiait de « cannibale », avait pourtant rendu ses bras inutilisables, comme « morts », raidi ses jambes et limité ses déplacements. « Je ne peux plus me nourrir ou me coucher seule, je n’arrive parfois plus à avaler, je vis comme un animal », racontait-elle début septembre, expliquant avoir perdu 15 kg en un an.

Dans une démarche sans précédent, Anne Bert avait non seulement annoncé son intention de partir mourir en Belgique, mais également eu la force de répondre à tous les médias qui la sollicitaient. Inlassablement, elle expliquait pourquoi la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie, votée en décembre 2015, était, selon elle, une « gigantesque tromperie » et de la « poudre aux yeux » pour les malades en fin de vie.

En « colère » contre la législation française

A l’origine de sa « colère » : son refus d’être soumise au bon vouloir des médecins pour pouvoir bénéficier d’une « sédation profonde et continue », permise par la loi pour éviter de souffrir avant de mourir. Une technique dont elle jugeait par ailleurs qu’elle n’était pas appropriée à sa situation.

Revendiquant son agnosticisme, celle qui fut également chargée de tutelle au tribunal de Saintes disait être « en colère que ce soient des motifs religieux qui empêchent de voter une loi autorisant l’euthanasie ». « J’ai honte que la France se déleste de ça sur les autres pays, déclarait-elle au Monde début septembre. C’est comme quand elle fermait les yeux sur les avortements en Angleterre ou sur les faiseuses d’anges. »

Adhérente de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité, Anne Bert avait interpellé les principaux candidats à l’élection présidentielle sur la question du droit à décider de sa propre mort. Cet été, elle s’était longuement entretenue au téléphone avec la ministre de la santé, Agnès Buzyn. Elle se disait convaincue qu’un nouveau texte de loi serait voté d’ici « deux à trois ans » en France.