Septembre 2017. Un auteur d’une étude publiée dans la revue Cell conteste la décision du journal de retirer son article suite à l’impossibilité de reproduire les résultats. L’Afrique du Sud réalise qu’elle a dépensé des millions de dollars pour publier les travaux de ses chercheurs dans des revues, qui se révèlent être des journaux prédateurs, c’est-à-dire sans évaluation ­rigoureuse des articles. Les Annals of Surgery ­publient par inadvertance un article refusé et mettent deux ans à le retirer de leur collection. La revue Science diffuse un avertissement indiquant qu’une enquête est en cours sur un article, deux jours après sa publication, suite à des doutes sur les données fournies par l’équipe. Sa concurrente, Nature, reconnaît dans un éditorial qu’un de ses précédents éditos est « faux » et que la revue « n’avait pas réalisé à quel point il pouvait être néfaste ». Le Chinois Lu Jinkui a été renvoyé de son université, l’East China Normal University à Shanghaï, pour avoir leurré le journal dans lequel il publiait, et évalué lui-même son propre travail.

Tous ces « faits divers » scientifiques sont tirés du site Retraction Watch, qui depuis 2010, s’intéresse aux articles retirés par les revues et aux ­à-côtés du système de publication.

Ils pourraient rendre pessimiste si, en même temps qu’ils se déroulaient, la littérature scientifique et la connaissance ne s’enrichissaient pas de dizaines de milliers d’articles hors de tout soupçon. Ils révèlent en tout cas à quel point la ­recherche, les chercheurs et parfois la science ­elle-même sont sous tension. Le premier volet de notre série réalisée avec Le Temps en pointait des raisons : la mainmise des revues sur la connaissance, les effets délétères des classements tirés du nombre de publicationsou les défauts de l’évaluation par les pairs.

Ce second volet va plus loin dans la description des pratiques des chercheurs et les coulisses des laboratoires. Epidémie de manipulation d’images, mésusage de méthodes statistiques, faible incitation à corriger les erreurs… minent la qualité des travaux. Le lancement d’un manifeste pour la science reproductible ou bien l’inquiétude qu’exprime le psychologue Chris Chambers, auteur de The Seven Deadly Sins of Psychology (« Les sept péchés mortels de la psychologie », Princeton University Press, non traduit), de voir sa discipline comparée à l’alchimie, montrent que les problèmes sont graves.

Heureusement, comme pour le premier volet, il est aussi frappant de voir le foisonnement de propositions pour sortir de ces écueils. Les solutions fourmillent, attaquant tous les aspects : meilleures méthodes statistiques, guide de bonnes pratiques, charte, logiciels de détection de plagiat et de retouche d’images, évaluation a posteriori, incitation à répliquer les travaux, transparence des protocoles, ouverture des données, voire disparition des revues telles qu’on les connaît. L’élan est là, souvent porté par des jeunes chercheurs et facilité par des innovations numériques. Reste à le ­relayer aussi au plus haut niveau.

Retrouvez l’intégralité des articles du dossier « Publier ou périr »

Cette série d’articles a été conçue et réalisée conjointement avec la rédaction du journal Le Temps.