Des manifestants repoussent la guardia civile après qu’elle ait saisie les urnes permettant le vote du référendum catalan, dimanche 1er octobre. / ARNOLD JEROCKI / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Le référendum d’autodétermination en Catalogne, interdit par Madrid, et les violences auxquelles il a donné lieu, dimanche 1er octobre, occupaient la plupart des « unes » de la presse européenne et internationale lundi, toutes déplorant une consultation ayant sombré dans « le chaos » et s’inquiétant des suites à lui donner.

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  • La presse espagnole déchirée

La « une » du quotidien « El Pais », lundi 2 octobre.

En Espagne, le quotidien El Pais, quoique hostile à l’indépendance de la Catalogne, se montre sévère à l’égard du chef du gouvernement, Mariano Rajoy, — lequel a déclaré qu’il « n’y a[vait] pas eu de référendum » —, déplorant son « incapacité absolue à affronter la crise dès ses prémices ». Il titre : « Le gouvernement empêche par la force le référendum illégal », au-dessus d’une photographie montrant un face-à-face entre électeurs et policiers.

Dans son éditorial titré « Face à l’insurrection, la loi mais pas seulement la loi », il accuse « la passivité, l’incompétence et la manière [de M. Rajoy] de rejeter les responsabilités » qui sont, selon le quotidien « inacceptables ». Le quotidien appelle ainsi M. Rajoy à offrir un projet politique territorial au pays et à avancer vers plus de fédéralisme.

Deuxième quotidien le plus lu après El Pais, le quotidien de centre droit El Mundo attaque fort dans son éditorial titré « Pas une minute à perdre face à l’indépendantisme », voyant dans ce référendum « une journée horrible durant laquelle l’irresponsabilité de la Généralité, [institution qui dirige la région autonome catalane] occupée par des illuminés, et l’inopérance d’un gouvernement trop longtemps absent » ont contribué à « déclencher le chaos ».

Face à ce qu’il qualifie de « coup d’Etat » des indépendantistes, le quotidien appelle le gouvernement central à agir « sans perdre une minute », en appliquant immédiatement l’article 155 de la Constitution, qui lui permet de suspendre le statut d’autonomie d’une région. Il demande aussi que les Mossos d’Esquadra [la police locale catalane] passent sous l’autorité de l’Etat.

« La situation peut encore se détériorer », prévient quant à lui le quotidien catalan La Vanguardia, édité à Barcelone, devant le nombre de blessés que le gouvernement régional déplorait dimanche soir. Et de mettre en garde :

« Nous entrons dans une phase de grèves et de manifestations de rue, (…) davantage de mouvements, davantage de répression. »

Le « une » de « La Vanguardia », lundi 2 octobre.

Dimanche, le chef du gouvernement catalan, Carles Puigdemont, a ouvert la voie à une proclamation d’indépendance dans les jours à venir et a annoncé que les résultats du scrutin seraient présentés au parlement régional.

Si le calme revenait lundi matin dans les rues de Barcelone, les éditorialistes de la presse catalane constataient, pour leur part, que les retombées du scrutin de dimanche laissaient entrevoir un conflit durable entre Madrid et la région catalane.

De son côté, le quotidien conservateur ABC déplore un « référendum raté qui laisse l’Espagne abîmée ». Réaffirmant « avec fierté » sa défense de l’unité de l’Espagne, son éditorial souligne que « l’Espagne ne peut pas être humiliée par un nationalisme traître et déloyal ». Et d’ajouter :

« Rajoy et son gouvernement ne seront jamais seuls dans l’application de la loi et dans la défense de l’unité nationale. Aujourd’hui est un de ces jours qui permettent de mesurer la force réelle d’un Etat. »

La « une » du quotidien « ABC », lundi 2 octobre.

Quotidien conservateur également, La Razon s’en prend aux indépendantistes et à leurs dirigeants, titrant son éditorial « Fermeté face au coup d’Etat ». Mais il prend surtout la défense des gardes civils et des policiers — l’Etat avait envoyé dix mille policiers et gardes civils dans la région, pour fermer les bureaux de vote et saisir le matériel électoral —, qui ont, selon le quotidien, « agit avec leur professionnalisme habituel et proportionnellement à la violence exercée par les radicaux ».

  • La presse européenne et internationale inquiètes

En France, les violences qui ont marqué le référendum faisaient craindre à la presse que le bras de fer entre indépendantistes et gouvernement de Madrid ne ravive les démons de la guerre civile. « L’Espagne ne doit pas prendre ce chemin sanglant qu’elle ne connaît que trop bien », écrit Johan Hufnagel dans son éditorial de Libération.

Pour Le Figaro, « les violences creusent le fossé entre Madrid et la Catalogne ». « Au sortir du franquisme, l’Espagne s’est réinventée comme un pays très décentralisé, rappelle Jean-Christophe Ploquin dans La Croix. Peut-être le pays peut-il évoluer vers un fédéralisme plus poussé. »

En Belgique, Le Soir estime que « Madrid a tout perdu » : « Triste journée pour la Catalogne, l’Espagne et l’Europe », déplore l’éditorial. En Italie, le Corriere della Sera titre sur le « vote dans le chaos ».

Au Royaume-Uni, le Guardian et le Financial Times mettent l’accent sur les centaines de heurts qui ont eu lieu, déplorant un référendum s’étant mué en violence, avec, pour le Guardian, la photo d’un policier matraque en l’air prêt à frapper. Même image reprise en « une » du Daily Telegraph, qui, lui, s’inquiète de « la crise européenne » qui s’est ouverte.

La « une » de « The Guardian« , lundi 2 octobre.

Le référendum occupait également les premières pages de la presse outre-Atlantique. Aux Etats-Unis, le New York Times déplore un vote ayant « sombré dans le chaos » pour « l’un des plus sérieux tests que la démocratie espagnole ait connus depuis la fin de la dictature de Franco, dans les années 1970 ».

Tous les grands quotidiens d’Amérique latine consacraient, eux aussi, leur « une » à cette actualité : « La Catalogne défie Madrid et vote pour l’indépendance », pour O Globo, au Brésil ; « A travers un référendum chaotique, la Catalogne prévient que son indépendance est imminente », pour La Nacion, en Argentine ; et « La Catalogne dit qu’elle a gagné son vote pour l’indépendance mais Madrid ne le reconnaît pas », pour Clarin, également argentin.

« Il n’y a pas eu de référendum pour l’autodetermination en Catalogne », selon Rajoy
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