Gerard Larcher, après sa réélection à la présidence du Sénat, le 2 octobre à Paris. / CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Editorial du « Monde ». Le président du Sénat, Gérard Larcher, confortablement réélu dans ses fonctions, lundi 2 octobre, dit tout haut, dans nos colonnes, ce que chacun avait compris depuis le renouvellement sénatorial du 24 septembre : la révision de la Constitution souhaitée par le président de la République a du plomb dans l’aile.

A Versailles, le 3 juillet, Emmanuel Macron avait annoncé au Parlement son intention de modifier les institutions sur de nombreux points, dont plusieurs imposent une révision de la Loi fondamentale : réforme du Conseil supérieur de la magistrature, réforme du Conseil économique, social et environnemental, suppression de la Cour de justice de la République, suppression du droit accordé aux anciens présidents de la République de siéger au Conseil constitutionnel. A quoi il avait ajouté des sujets plus sensibles encore, mais qui rélèvent d’une loi ordinaire ou organique : réduction du nombre de mandats dans le temps pour les parlementaires, diminution d’environ un tiers du nombre de députés et de sénateurs, introduction d’une dose de proportionnelle dans le mode de scrutin législatif.

Deux verrous refermés

Ce vaste chantier risque fort de rester, peu ou prou, à l’état de projet. En effet, le chef de l’Etat n’a pas, aujourd’hui, les moyens de ses ambitions. La voie classique pour réformer la Constitution est fixée par son article 89. Elle suppose d’abord que la réforme soit adoptée en termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat, avant d’être ensuite ratifiée soit par référendum, soit par un vote du Parlement réuni en Congrès, à une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Le Sénat dispose donc d’un verrou obligé (le vote conforme) et d’un second verrou (la majorité des 3/5 du Congrès), sauf si le chef de l’Etat décide de passer par le référendum. Or ces deux verrous sont désormais refermés. Si Gérard Larcher se dit disposé à « discuter », sans préjuger du résultat, des réformes nécessitant une révision constitutionnelle, il exclut tout débat sur les dispositions concernant les parlementaires. Quant à la majorité des 3/5, elle est hors d’atteinte : les résultats du récent scrutin sénatorial, marqués par le renforcement de la droite et par le médiocre score de La République en marche, ne permettent pas à Emmanuel Macron de trouver au Palais du Luxembourg l’appui indispensable – et plus qu’improbable – d’une partie importante de la droite.

Des précédents qui font réfléchir

Dernière hypothèse : le chef de l’Etat pourrait décider de court-circuiter le Parlement et de soumettre directement ces réformes aux Français par la voie du référendum, en application de l’article 11 de la Constitution. C’est la voie empruntée avec succès par le général de Gaulle, en 1962, pour instaurer l’élection présidentielle au suffrage universel. C’est aussi celle qui l’avait conduit à la démission, en 1969, après l’échec du référendum réformant notamment… le Sénat. Ce précédent est pour le moins dissuasif.

Réformer la Constitution est devenu un exercice périlleux ou impossible. Passer par le Congrès est à haut risque : la révision de 2008, voulue par Nicolas Sarkozy, n’avait été adoptée qu’à une voix de majorité, et François Hollande avait renoncé, faute d’accord du Sénat, aux cinq révisions engagées durant son mandat. Quant à la voie référendaire, le précédent de 1969, comme celui du rejet du traité constitutionnel européen en 2005 montrent qu’elle relève du quitte ou double. On imagine qu’Emmanuel Macron y réfléchirait à deux fois.