Boris Johnson, le 3 octobre 2017. / HANNAH MCKAY / REUTERS

« Nous pouvons conquérir l’avenir [post Brexit]. Faisons rugir le lion [britannique] ! » A sa manière de bateleur, parsemée de mots d’esprit et de formules imagées, Boris Johnson a pris date pour l’avenir en conquérant la salle archi-comble du congrès des conservateurs, mardi 3 octobre, à Manchester.

A sa façon, mi-churchilienne mi-bouffonne, l’incontrôlable ministre des affaires étrangères a adressé deux messages contradictoires. Certes, il enterre pour le moment la hache de guerre avec la première ministre, Theresa May – qui ne lui a pas fait le plaisir de sa présence dans la salle. Mais celle-ci ne perd rien pour attendre : au moindre signe de faiblesse dans les négociations avec Bruxelles sur le Brexit, il se tient prêt à l’écarter et à prendre sa place. Son « rugissement » patriotique a conclu un véritable discours de premier ministre en attente.

L’hommage d’abord, minimum et non dénué d’ironie : « Nous avons gagné, Theresa May a gagné, a proclamé « Boris » à propos des législatives de juin, lors desquelles Mme May a perdu la majorité à Westminster. Le pays tout entier lui est redevable pour sa fermeté dans la marche en avant du pays vers un formidable accord sur le Brexit. » Alors qu’il n’a cessé de l’attaquer ces derniers jours, M. Johnson a fait mine de rentrer dans le rang : « Le gouvernement est uni derrière chaque syllabe du discours de Florence [où elle s’est montrée plus conciliante envers l’UE]. »

Après une salve d’articles et d’interviews torpillant les positions de Mme May dans les discussions déjà embourbées avec l’UE, Boris Johnson, dit « BoJo », n’avait soudain plus rien à dire de précis sur le sujet. Sauf pour promettre des lendemains de Brexit qui chantent pour une « Grande-Bretagne mondiale » et pleine d’« audace ». « Il est temps d’arrêter de considérer le résultat du référendum comme une peste, a-t-il déclaré. Ceux qui pensent que nous allons nous dégonfler se trompent. Il est temps d’être ferme et de saisir les opportunités pour lesquelles aucun pays n’est mieux placé que la Grande-Bretagne. »

Jeremy Corbyn désormais pris très au sérieux

Mais ceux qui attendaient qu’il affine sa vision des futures relations avec l’Europe en auront été pour leurs frais. A la place, le ministre à la coiffure rebelle s’est employé à remonter, à coup de clairon cocardier et de vœux pieux, le moral de congressistes triplement déprimés par les revers électoraux, l’insolente santé du Labour et la zizanie gouvernementale. Le chef de l’opposition, Jeremy Corbyn, traité avec condescendance et ironie au congrès de l’an dernier, est désormais pris très au sérieux. Agiter la menace de son entrée à Downing Street apparaît comme l’ultime moyen de resserrer les rangs de tories de plus en plus déchirés sur l’Europe. Au point, pour M. Johnson, de lui consacrer la moitié de son discours et de ses flèches. Brocardant l’« agenda semi-marxiste » de M. Corbyn et son « programme de renationalisation à 200 milliards de livres », le chef du Foreign Office a dénoncé un retour aux années 1970, « une manifestation de masochisme économique qui causerait un préjudice incalculable pour l’avenir de nos enfants ». La différence entre le Labour et les tories ? « Nous voulons un gouvernement qui œuvre pour tous. Corbyn veut une Grande-Bretagne où tout le monde travaille pour le gouvernement. »

Entonnant les trompettes de l’optimisme pour un pays « libéré » de l’UE, M. Johnson s’est posé en champion d’une singularité renforcée par la dérégulation, alors que les milieux d’affaires plaident pour un maintien maximum des règles européennes. Il a promis un pays « libre de pouvoir dire ce en quoi nous croyons, y compris la liberté du commerce ».

Des applaudissements, plus réservés qu’à l’habitude, semblaient signifier que la partie n’est pas gagnée. « Comme le vicomte de Valmont des Liaisons dangereuses, [Boris Johnson] assure qu’il ne contrôle pas ses infidélités politiques et jure qu’il aime Mme May, ironise George Osborne, ancien ministre et ennemi intime à la fois de M. Johnson et de Mme May ; dans son éditorial de l’Evening Standard. Mais aucun doute n’est permis : il veut lui ravir la couronne. »